29.03 > 31.05 Sidney Poitier

Quand Sidney Poitier est décédé le 6 janvier 2022, le New York Times l’a salué comme le plus grand acteur américain. L’auteur ajoute avec insistance : « Pas le meilleur afro-américain, mais le plus grand acteur américain tout court. » La Cinémathèque Royale de Belgique, CINEMATEK, rendra hommage à l’acteur (dans 18 films) et au réalisateur (avec 5 films) à partir du 29.03

Oscarisé

Il est le premier acteur noir à avoir remporté, en 1964, l’Oscar du meilleur acteur pour sa prestation dans Le Lys des champs, dans lequel il incarne un homme-à-tout-faire qui accepte d’aider une congrégation de nonnes à construire une chapelle dans le désert de l’Arizona. À l’époque, Poitier règne sur le box-office, avec le statut d’acteur le plus populaire de son époque et le mieux rémunéré d’entre tous.

Gaëlle Moury a rassemblé des réactions sur son décès dans Le Soir :
« « Sidney Poitier nous a montré comment atteindre les étoiles », dit Whoopi Goldberg sur Twitter. « Aucun mot ne peut décrire à quel point votre travail a radicalement changé ma vie. La dignité, la normalité, la force, l’excellence, l’électricité que vous apportiez à vos rôles nous a montré que nous, Noirs, comptions », déclare, quant à elle, Viola Davis. « Il a immédiatement dissipé la notion perverse, obscène de la suprématie blanche, d’une manière magnifiquement humaine, artistique et digne », affirme de son côté Mark Ruffalo. « A travers ses rôles révolutionnaires et son talent singulier, il a incarné parfaitement la dignité et la grâce, révélant le pouvoir des films de nous rapprocher. Il a également ouvert les portes à une génération d’acteurs », dit aussi Barack Obama. »

Film noir

Ses remarquables prestations dans les petits chefs-d’œuvre que sont Graine de violence, La Chaîne ou encore Devine qui vient dîner, comédie culte des années 1960, sont comme autant de témoignages de l’immense talent d’un comédien aussi doué pour le mélodrame que pour la comédie.

Son premier film en 1950, No way out, traduit bêtement par Sens Unique ou La porte s’ouvre, s’inscrit dans la bataille pour les droits civiques qui va durer au moins jusqu’à la fin des années soixante, et l’acteur Sidney Poitier en sera un peu le symbole. Il est évident que le cinéma hollywoodien a été un élément important dans cette évolution. Aujourd’hui les oppositions entre le délinquant blond aux yeux clairs et le médecin noir généreux et dévoué, peuvent sembler un peu caricaturales et sans nuances. Mais sans doute étaient elles nécessaires dans un pays qui reste encore aujourd’hui travaillé par la question raciale
Le terme ’film noir’ a ici un double sens. Le réalisateur Joseph Mankiewicz ne s’en cache pas lorsqu’il fait mordre à Brooks par une mère blanche « Keep your black hands off my boy » , après quoi elle lui crache au visage.

Le sujet du film était si sensible qu’il est sorti dans une version aseptisée dans certains cinémas et a même été interdit dans le Sud profond des États-Unis. Dans des rôles secondaires, le couple noir Ossie Davis et Ruby Dee (Do the Right Thing) peut être vu ensemble dans un film pour la première fois. Aussi révolutionnaire que ce film ait pu être, les temps n’ont pas changé en dehors de l’écran. Les réalisateurs voulaient, avec leur film, faire le lien avec les luttes de la communauté noire, mais ils ne le faisaient pas vraiment dans leur vie quotidienne.

Bien que le message anti-racial soit dominant, c’est un vrai film noir. L’histoire se déroule quasiment dans un huis clos, et dans l’univers morbide de l’hôpital, comme si c’était à l’hôpital qu’on pouvait guérir du racisme. C’est cela qui va donner sa particularité au film
Graine de violence / Blackboard Jungle est la version primaire et percutante du film, qui raconte l’histoire d’un enseignant dur et sensible dans une école sans espoir, qui tend la main à une classe de trublions et les convainc. Une histoire qui est devenue une formule standard d’Hollywood (Classe 1984, Dangerous Minds, Dead Poets Society).

Martin Ritt associe Poitier à John Cassavetes dans L’Homme qui tua la peur/ Edge of the City, et à Paul Newman dans Paris Blues.

Sidney Poitier a donné sa performance la plus remarquable, et peut-être la plus appréciée, en 1967. Dans Devine qui vient dîner ? / Guess Who’s Coming to Dinner, il incarne le fiancé de la fille d’une famille blanche de la classe moyenne, un rôle qui inspirera Jordan Peele pour son premier film Get Out. Lorsque le film est tourné, le mariage interracial est encore illégal dans dix-sept États américains. La scène clé du film est peut-être la discussion au cours de laquelle le personnage de Poitier (un médecin, et pas l’obligatoire trafiquant de drogue) dit à son père : « Tu te vois toujours comme un homme noir, je me vois comme un homme. » La même année, en 1967, Dans La Chaleur De La Nuit, une chronique du racisme ordinaire et des préjudices raciaux dans l’Amérique provinciale des années 1960, le tout porté par un duo d’acteurs inoubliables et la B.O. de Quincy Jones.
Cinéaste

Après les immenses succès de 1967, c’est surtout lorsque Poitier passera derrière la caméra qu’il retrouvera le succès. Nous présentons l’essentiel des dix films qu’il a réalisés entre 1972 et 1990, dont quatre comédies (policières), avec Le Coup à refaire/ Let’s Do It Again et Ghost Dad avec Bill Crosby. Fast Forward est un dance-movie typique des années 1980 – avec ses chorégraphies « disco-aérobic ».

Retour à l’écran

Après plus d’une décennie, Poitier, alors âgé de 63 ans, fait son retour sur grand écran dans le thriller Randonnée pour un tueur (1988), dans lequel, en tant qu’agent du FBI, il traque un meurtrier en compagnie d’un montagnard qui lui est hostile dans le nord-ouest des États-Unis. D’autres films policiers, Les experts / Sneakers avec Robert Redford, et The Jackal avec Richard Gere suivent.