Festival

BREVES DU FESTIVAL MILLENIUM

16 juin 2010
BREVES DU FESTIVAL MILLENIUM

Le festival Millenium du film documentaire international met à l’honneur les projets documentaires indépendants et donne une visibilité à ces hommes et ces femmes qui tentent de faire passer un message à travers des œuvres où ils s’attardent sur des situations et des personnages qu’ils ont eus envie de raconter. Le jury décerne ce 18 juin 4 prix, celui du meilleur film, du meilleur message de développement, du meilleur message des droits de l’homme ainsi qu’un prix spécial. Un jury « grand public », composé d’une vingtaine de gens d’horizons et d’influences fort diversifiés, remet quant à lui un prix du coeur. Dans la sélection officielle, le panorama de films proposés brasse un regard à la fois global et spécifique sur un monde où les intérêts des uns priment trop souvent sur ceux des autres. Tous sont intéressants car ils abordent un sujet souvent méconnu du monde actuel. Mais certains sont évidemment doués d’une qualité artistique supplémentaire, d’une force émotionnelle à l’état pur. Soulignons notamment le très fort « Last Train Home » et les très beaux « Rehje » et «  Santiago tiene una pena » .

Sierra Leone’s Refugee All Star **

Réalisateurs : Zach Niles et Banker white (USA, 2006, 80 minutes)

C’est l’histoire d’un groupe musical pas comme les autres, les Sierra Leone’s Refugee All Stars, dont les membres se retrouvent dans un camp de réfugiés en Guinée, cherchant un abri face à la guerre civile qui a fait rage dans ce pays entre 1991 et 2002. Ils racontent leurs traumas et tentent, pour la plupart, de les surmonter et de réclamer leur appartenance à leur terre, à travers un amour de la musique implacable.

War and Love in Kabul *

Réalisatrice : Helga Reidemeister (Autriche, 2008, 87 minutes).

Projet autrichien datant de 2008, ce documentaire expose la situation de Hossein et Shaima, amoureux malheureux en ces temps difficiles en Afghanistan. Lui est amputé, elle est mariée ; leur famille respective s’oppose à leur union pour des raisons diverses sur lesquelles chacun revient, et s’étend un peu longuement, sur ce mode confessionnel. Outre une qualité esthétique indéniable, un film plus court aurait gagné en densité et le message aurait été plus percutant.



Atijat, The First Wife *

Réalisatrice : Anna Baszczyk (Pologne, 2008, 52 minutes)

Anna Baszczyk, jeune archéologue polonaise, expose la situation d’Atijat, africaine ne parvenant pas à avoir d’enfant de son mari et devant accepter que celui-ci recherche une seconde épouse. La jeune cinéaste porte un regard très européen sur une société aux antipodes de celle qu’elle connaît. Le dialogue ne s’établit pas mais met en contraste deux mondes qui se heurtent dans une incompréhension culturelle, face aux croyances, à l’acculturation, à l’assimilation de dogmes. De nombreux thèmes sont abordés mais la réflexion manque d’approfondissement et de réflexion.

Escapeland **

Réalisateur : Oren Tirosh (Israël, 2008)

L’amour contrarié par la distance géographique et l’absence d’actes administratifs, entre une Israélienne et un Soudanais dont l’unique rêve est une vie de famille réunie. Cette famille hors du commun est touchante par sa force combative face aux années d’errance et de lutte dans une mer bureaucratique froide. Leurs retrouvailles, d’abord éphémères sur une plage égyptienne dans le Sinaï, puis plus définitives dans leur kibboutz, symbolisent cette démarche touchante d’un cas très particulier mais ô combien universel.

Last Train Home *****

Réalisateur : Fan Lixin (Chine/Canada, 2009, 85 minutes).

Sur trois ans, ce documentaire couvre la vie d’une famille chinoise qui part à la dérive. D’une part, les parents confient l’éducation de leurs enfants à une grand-mère évoluant dans la campagne et partent travailler dans une usine textile, ne revenant, comme de nombreux citoyens chinois, qu’une fois par an à l’occasion du nouvel an. D’autre part, les enfants, et plus particulièrement leur grande fille Qin, souffrent de cette absence physique de leurs parents. Cette dernière perd son enfance et son adolescence dans la tristesse du manque et de l’absence et fait le choix de trouver une reconnaissance qui lui manque ailleurs, par elle-même. Entre la dureté du modèle d’exploitation chinois, l’incompréhension générationnelle, les gouffres des souffrances personnelles, une incroyablement belle fresque sur le monde chinois actuel et la dislocation familiale.



Santiago tiene una pena ****

Réalisateurs : Diego Riquelme Davidson et Felipe Orellana Peña (Chili, 2008, 40 minutes)

Angélique, mère célibataire de 5 enfants, Claudio, standardiste de radio-taxis victime de malformation, et Esteban, autodidacte violoniste, offrent le portrait croisé de trois artistes musiciens de rue au Chili, qui se battent pour vivre de leurs choix et revendiquent leur autonomie. La forme qui évite les dialogues pour laisser place à une douce mélancolie emplie d’espoir et de doux moments de communion est une pure réussite et parvient à exposer une réalité en marge de la routine monotone de la capitale chilienne.

Agrarian Utopia **

Réalisateur : Uruphong Raksasad (Thaïlande, 2008, 120 minutes)

Dans un paysage sauvage et flamboyant, deux familles tentent de survivre en cultivant leurs terres. Portrait bouleversant d’une douce utopie irréaliste face à l’avancée d’un autre type de monde sur la vie, ce documentaire vaut le détour, mais s’étend très longuement, entre contemplation, étouffement dans le quotidien qui se voit atteindre une impasse et résignations humaines face au « progrès ».  

A Blooming Business **

Réalisateur : Ton Van Zantvoord (Pays-Bas, 2009, 52 minutes)

Ton Van Zantvoord prend le parti d’exposer la culture des roses exportées principalement en Occident au Kenya. Ce documentaire met bien en évidence l’exploitation des employés de ces industries. Le parallèle entre le commerce de roses et celui d’autres produits ne fait évidemment aucun doute et élargit le propos. Quatre personnes confient leurs situations : une mère de famille usée et fatiguée employée dans une ferme horticole, une ancienne employée, grièvement infectée par les pesticides dont elle a subi les émanations, un homme aux rêves brisés qui ne voit d’autres issues que de vendre l’eau qu’il ramène du lac à dos d’ânes et un employé tentant de faire éclater l’injustice aux yeux du monde. Entre violence, oppression et force de vivre, un documentaire intéressant et didactique.

En enero, quizás *

Réalisateur : Diogo Costa Amarante (Portugal, 2009, 50 minutes)

Un immigré roumain, Daniel, cherche désespérément du travail dans la ville de Barcelone. Son rêve de subvenir aux besoins de sa famille restée au pays se voit brisé par l’exploitation des employés sans papiers, par le rejet, par le jugement. Son attente de se voir octroyer une chance, des droits, ne trouve aucune respiration, dans une esthétique aussi sombre que l’est ce documentaire.

La gare tous les mercredis ***

Réalisatrice : Olga Maurina (Russie, 2008, 48 minutes)

Portrait d’une dame courage médecin dans les environs d’une gare où elle prend soin bénévolement, chaque mercredi et avec une énergie sans fin, d’une grande famille de marginaux vivant dans la dureté de la rue. Le réconfort humain qu’elle prodigue à cette tribu qui le lui rend à sa manière est bouleversant.

Safar ***

Réalisateur : Talheh Daryanavard (Belgique, 2009, 45 minutes)

Le voyage de retour de trois jeunes femmes iraniennes, Amina, Fatoma et Asma, vers la région retirée au sud de l’Iran d’où elles viennent, permet à ces étudiantes à l’université de Téhéran de se pencher sur leurs parcours, leurs rêves et leurs incertitudes. Et au manque de perspectives dont elles font état après les respirations qu’ont été pour elles l’apprentissage et la vie libre dans une capitale, reflet d’une réalité d’un pan de la jeunesse iranienne féminine.

Rehje ****

Réalisateurs : Anaïs Huerta et Raúl Cuesta (Mexique, 2009, 70 minutes)

Antonia vit depuis quarante ans à Mexico mais souhaite revenir vivre dans son village natal, un hameau Mazahua. Elle raconte son enfance, son père, sa tante, ses souvenirs, son expérience de la vie, les problèmes du quotidien. Face à une situation peu reluisante, sa force de vivre illumine pourtant cette démarche documentaire impliquée, touchante et authentique.

Thereonce was an island **** Coup de Coeur

Réalisatrice : Briar March (Nouvelle Zélande, 2009, 80 minutes)

Leshabitants polynésiens de l’île de Taku font face aux conséquencesdes changements climatiques mondiaux. Le niveau de l’eau montant,ils se voient obligés d’envisager la question de la survie de leurcommunauté, ailleurs. Pour certains, le sentiment de survie est leplus fort et ils espèrent emporter leur culture et la faire survivresur des terres que leur promet un gouvernement qui a l’air peuenclin à faire bouger les choses. Pour d’autres, la fin de l’îleanéantira le sens de leur vie et ils ne voient pas de continuitéailleurs. La venue de scientifiques permet à la tribu de mieuxcomprendre l’impact des changements et de s’informer. Un filmnécessaire et très beau sur une communauté qui, une fois que vousl’aurez rencontrée, ne sera plus jamais oubliée.

Fighting the silence ***

Réalisatrices : Ilse et Femke Van Velzen (Pays-Bas, 2007, 52 minutes)

Leviol a fait des ravages au Congo au cours des années de guerre. Lesvictimes sont celles qui sont blâmées, et en plus de subir letraumatisme d’une telle meurtrissure, elles se voient rejetées parleurs maris, par leurs voisins, par leur entourage. Cette vision deschoses est un cercle vicieux sans fin. Pourtant, face à l’adversité,un mari revient, un autre reste auprès de sa femme malgré lejugement des autres et la sanction sociétale. De cet homme émane unformidable message d’amour et de force. Il en est de même pourcette femme qui lutte pour la reconnaissance du statut de victime desfemmes brutalisées de la sorte. Un sujet sensible traité avecénormément de pudeur et de sensibilité.

Survival Song *

Réalisateur : Yu Guangyi (Chine, 2008, 94 minutes)

Dansune montagne enneigée chinoise cohabitent un chasseur et sa femme etun vagabond considéré comme simple d’esprit. La démolitionprogressive des maisons avoisinantes pour la construction d’unréservoir par l’Etat chinois les pousse à l’expulsion. Cettedrôle de famille tente de rester, mais les conditions de survie sefont de plus en plus rudes. Ce documentaire est le fruit del’approche d’un peintre sur la situation de ses voisins qu’ilconnaît depuis toujours, une dénonciation des conséquences du« développement » ultrarapide de la Chine sur seshabitants.

Men of the city ***

Réalisateur : Marc Isaacs (Royaume-Uni, 2009, 60 minutes)

Dansun style personnel et une volonté claire de faire passer unedénonciation d’un système oppressant, Marc Isaacs dépeint lequotidien de quatre hommes au sein du quartier financier de SquareMile à Londres : un émigré bangladeshi qui arpente les rues àla recherche d’un emploi au cœur de la crise financière, unspéculateur qui vit de sa passion pour le marché financier mais quiy a perdu sa famille, un businessman abîmé par la vie et par sonressentiment qui tourne une page importante dans son parcours et unbalayeur de rue qui n’est certainement pas le moins heureux desquatre. Ce documentaire montre clairement un choix de montage et deconstruction assumé qui permet de faire passer un message fort surl’absurdité d’un monde matérialiste ayant perdu une grande partde son aspect sacré et spirituel.



Japan– A story of love and hate ***

Réalisateur : Sean McAllister (Royaume-Uni, 2008, 70 minutes)

SeanMcAllister désirait tourner un documentaire sur le Japon. Mais lacommunication avec les citoyens japonais lui est longtemps restéimpossible avant sa rencontre avec Naoki, un quinquagénaire douéd’un esprit de pensée libre qui a toujours refusé la soumission àun ensemble de règles sociétales abrutissantes. Le crash économiquede 1992 et ses choix de vie lui ont retiré le confort matériel danslequel il vivait auparavant et l’ont poussé à dépendrecomplètement de la bienveillance de son amie Yoshi qui additionnedeux emplois pour subvenir à leurs besoins. Naoki, lui, travaille àmi-temps (c’est-à-dire sept heures par jour au Japon), à la postede Yamagata. Ces deux-là font partie de la classe des travailleurspauvres que découvre un cinéaste britannique choqué par un trainde vie inhumain et une dérive émotionnelle de plus en plus grande.Malgré les difficultés, les incompréhensions, la dureté duquotidien, l’esprit empli de liberté des protagonistes opèrecomme une bouffée d’oxygène et donne du sens à un quotidien qui,sans l’amour, l’intérêt et la présence de l’autre, perdraittout son sens.



(Ariane Jauniaux)