Romance
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CAIRO TIME

Ruba Nadda (Canada 2009)

Patricia Clarkson, Alexander Siddig

88 min.
7 juillet 2010
CAIRO TIME

La barbe !

Qui faut-il incriminer lorsqu’on n’est pas « avec le film ». C’est-à-dire lorsque très vite, les pensées ne suivent pas ce que voient les yeux et que cette prise de distance devient propice à des idées associatives voire des égarements qui éloignent de ce qui se passe à l’écran.

Est-ce la faute du réalisateur qui n’a pas la force suffisante pour vous capter ?

Est-ce votre faute en tant que spectateur incapable d’une concentration supérieure à celle du poisson rouge - 4 secondes ?

En l’espèce c’est la faute à Rohmer, à la couleur turquoise et au mot « Yes ».

Rohmer ?
Parce que face à cette histoire qui aurait pu être d’amour entre une américaine venue rejoindre son époux en Egypte et l’ex factotum de ce dernier retenu dans la bande de Gaza - mais oui vous avez bien lu : pendant que madame joue à la touriste, monsieur participe à la mise sur pied d’un camp de réfugiés palestiniens … - et pour se distraire de la fadeur qui s’‘en dégage, l’attention se dissout en une myriade de pensées.

Incohérentes et surprenantes souvent avant de buter sur ce qui donne au film sa mollesse plus structurelle qu’orientale.

Oui Rohmer avait raison lorsqu’interrogé par Jean Douchet (*) il répondait que « rien n’est plus difficile à suggérer à l’écran que le désir »

Cet à priori de lucidité ne semble pas avoir freiné l’enthousiasme de la réalisatrice de "Cairo…" qui, empêtrée dans un climax de sublimation proche des romans de Barbara Cartland promène ses personnages en bordure des pyramides. Projections pour le moins immodeste de leur libido invitée, comme dans la série "Twilight" (!), à la chasteté.

Turquoise ?
Parce que c’est la couleur de la robe de l’héroïne lors de cette ballade érotiquo-pyramidale . Couleur franche et surprenante de la part d’une femme plutôt bcbg qui renvoie à celle portée par Claire dont le genou, dans l’un des contes moraux de Rohmer, cristallise, par sa vulnérabilité supposée, l’intérêt de Jean-Claude Brialy.

« Yes » ?
Parce que « Cairo … » est un écho blafard - comme la qualité d’un fast food peine à être comparée à celle d’un restaurant étoilé - du film de Sally Potter qui auréole de sensibilité, d’intelligence et de sensualité une histoire de désir se nouant entre une anglaise (Joan Allen) et un libanais (Simon Abkarian).

Si le temps de Cairo n’est pas celui de l’intérêt, il contient néanmoins ses minutes presqu’idéalisées par la présence de deux acteurs dont le charisme, s’il avait été lié à une profondeur narrative et à une mise en scène resserrée, aurait permis de transcender une banalité pesante. (mca)

 
(*) dans le documentaire "Rohmer, preuves à l’appui" co-réalisé en 1994 avec André S. Labarthe pour la série « Cinéastes de notre temps ».