Drame politique
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TEZA

Haile Gerima (Allemagne/Ethiopie/France 2008)

Aaron Arefe, Abeye Tedla

140 min.
28 juillet 2010
TEZA

On est tous l’autre de quelqu’un. Dans sa propre famille, dans sa propre cité, dans son propre pays. Et autre plus encore quand on revient chez soi après avoir longtemps séjourné ailleurs.

Mêlant l’histoire politique et l’histoire individuelle, comme dans « La Meglio Gioventu » (*) ou « Das Leben der Anderen » (**) », « Teza » est une œuvre déroutante, tantôt lassante, tantôt touchante.

Avec une sincérité qui lui fait honneur mais que notre cynisme occidental a la fâcheuse tendance d’assimiler à de la candeur voire à de la maladresse, le réalisateur, qui vit une partie de l’année en Californie, dresse à travers le portrait d’Anherber, un homme encore jeune revenu au village natal après des études en Allemagne de l’Est, une carte (qui n’a rien de postal) de son pays, l’Ethiopie.

De la chute de l’empereur Haile Salassié en 1974 à celle du dictateur communiste, Mengistu Haile (encore !) Mariam qui lui a succédé en 1991, Haile (eh oui …) Gerima donne à voir deux désillusions.

Celle de son personnage principal qui avait cru en revenant au pays aider, par ses connaissances nouvelles, à son redressement. Et qui ne rencontrera que la peur, la reviviscence du racisme dont il a été l’objet durant ses années européennes et la misère.

Celle d’un pays ensuite qui ne se reconstruira pas malgré les promesses du pouvoir mis en place après la destitution et l’assassinat du Négus.

Le rythme du film désarçonne parce qu’il adopte la démarche irrégulière de la girafe, s’appuyant tantôt sur une foulée trop symbolique (l’amputation d’Anherber comme reflet de son désarroi face au déficit démocratique, toujours d’actualité, de son pays) tantôt sur une foulée trop esthétique lorsqu’elle prend appui sur la beauté surexposée des paysages africains et du soleil qui les révèle ou les noie lors de ses lever et coucher.

Reste néanmoins la trajectoire heurtée d’un homme qui cherche sa place dans un espace destructuré par les guerres et les mensonges et dans laquelle chacun peut lire, écrite d’une caméra lyrique et réaliste selon les occurrences, la tragédie d’un peuple dont beaucoup d’entre nous, il faut le reconnaître , se désintéresse.

« Teza » signifie en français la rosée. Petite, on m’avait raconté que celle-ci avait pour dessein d’ouater l’envol des fées surprises par l’aurore. Difficile après avoir été confrontée à la réalité éthiopienne d’imaginer que les fées puissent encore exister.

« Teza » a remporté le prix spécial du jury au festival de Venise 2008 (mca)

(*) de Marco Tullio Giordana (2003)

(**) de Florian Henckel von Donnersmarck (2007)

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