Film belge
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

Coup de coeurBEYOND THE STEPPES

Vanja d'Alcantara (Belgique/Pologne 2010)

Agnieszka Grochowska, Aleksandra Justa

90 min.
17 novembre 2010
BEYOND THE STEPPES

Y a-t-il un point commun entre cette jeune cinéaste belge et Buzz l’Eclair des Toy Stories 1,2 et 3 ?

Oui.

Ils ont tous les deux l’esprit aventureux, le cœur chaleureux et le corps courageux. Prêts pour l’un à se voyager « beyond the universe » et pour l’autre à se rendre aux confins de la Russie sur les traces d’une grand-mère polonaise. Au prénom chantant et tragique comme celui de l’héroïne de "La mouette" de Tchékhov.

Nina, déportée aux confins de l’empire soviétique tout au début de l’invasion de la Pologne par les armées nazie et rouge, à ce moment là jumellissées dans la volonté de faire souffrir et d’humilier les épouses des notables locaux.

Le cinéma de Vanja d’Alcantara est, et à notre époque cette qualité en fait sa précieuse rareté, un cinéma valeureux.

Qui parle de force, de résistance, de lutte, de survie pour ne pas céder au désespoir, à la fatigue engendrée par des conditions de détention méprisant toutes les règles élémentaires de respect de l’être humain.

Survie qui rappelle celle d’Eugenia Ginzburg dans le beau film de Marleen Gooris « Within the whirlwind » sensiblement chroniqué sur ce site par Laetitia De Jaegher.

Ce qui frappe dans la démarche de la réalisatrice c’est à la fois une authenticité et un sens de l’engagement personnel.

Qui l’incitent à convaincre ses producteurs de réaliser son premier long métrage in situ. En prenant le risque de se frotter à des conditions de tournage extrêmement difficiles et inconfortables.

Film fort mais aussi film émouvant et d’approfondissement d’une thématique chère à la cinéaste. Celle de l’enfermement - déjà l’objet de son documentaire « La tercera vida » tourné dans une prison espagnole - et de son corollaire la liberté.

Symbolisée ici par les quelques images d’un début heureux, lorsque la Pologne n’était pas encore un territoire envahi, sali par les ennemis.

Si les paysages sont d’une beauté "tolstoienne", infinie comme leur étendue à perte de vue rendant par contraste plus barbares encore les conditions de détention des prisonnières, le regard posé par Vanja d’Alcantara sur celle qui interprète sa grand-mère, Agnieska Grochowska, est d’une puissance prenante.

Arrivant à la fois à cerner la peur, le désarroi et la volonté de trouver un réconfort dans la quotidienneté des gestes et la présence quasi charnel de l’environnement.

Sans avoir besoin de musique comme étai d’une émotion qui se suffit à elle-même pour imprégner des images à la vibrance palpable, « Beyond… » n’a rien d’un film de guerre ou d’une biographie.

Il est juste et c’est mieux encore un hommage, une envie de suturer le présent et le passé en ne perdant pas, pour le futur, le fil ce qui a été.

Il est surtout un geste d’amour pour une grand-mère (*) disparue quand la réalisatrice avait 15 ans.

Une façon de continuer à la faire vivre et à partager avec les autres que nous sommes, nous spectateurs, le souvenir d’une femme qui a réussi à se reconstituer après ce que Pierre Mertens (**) cerne dans "Les éblouissements" comme étant une des formes du mal absolu.

"Beyond..." a reçu le Prix du Jury au Festival International de Marrakech présidé par John Malkovitch et celui du Meilleur Réalisateur au Festival International de Tokyo. (mca)

(*) est-ce un signe des temps incertains - le besoin de revenir à la stabilité des racines qui nous constituent - que la « grand-mère » soit mise à l’honneur dans ce film comme elle l’est dans le majestueux « Poetry » de Chang-dong Lee ?

(**) poursuivi il n’y a pas si longtemps par ... Bart de Wever pour avoir traité ce dernier de négationniste.