Drame
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SONG FOR A RAGGY BOY

Aisling Walsh (GB 2003)

Aidan Quinn, Ian Glen

100 min.
24 novembre 2010
SONG FOR A RAGGY BOY

Faut-il nécessairement revoir un film pour le chroniquer ou peut-on se contenter de se remémorer les émotions suscitées à sa première vision ? Même si celle-ci remonte à plusieurs années.

La question n’est pas oiseuse parce qu’elle met face à face deux attitudes auxquelles tout spectateur se trouve un jour confronté. Deux options qu’il lui revient de trancher.

Soit revisiter, à l’occasion de sa nouvelle sortie, un film image par image ou se souvenir des sensations et sentiments qu’il a déposés dans nos cœurs et mémoires.

En quelque sorte opérer un choix entre aujourd’hui et hier. Au risque de ne pas ressentir lors d’une seconde vision la puissance inhérente à la première découverte.

En ce qui concerne « Song… » la décision fut vite prise.

 

Tant il n’était pas nécessaire de revoir ce film, concentré de violence, pour qu’à la simple évocation de son titre surgissent moins une histoire ayant pour cadre un pensionnat irlandais qui accueille, peu avant la deuxième guerre mondiale, des orphelins et des enfants ayant commis des délits mineurs qu’une ambiance faite de brutalité, de dépravation et de destruction programmée de personnalités en formation.

 

Tyrannie dont il ne fallait pas être grand ponte pour soupçonner que ses conséquences ne pouvaient être que, tant sur le plan physique que moral, dramatiques.

Ramenant en mémoire ces vers puissants de Victor Hugo dans son poème « A ceux qu’on foule aux pieds » :

« Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
A vous tous, que c’était à vous de les conduire ,
Qu’il fallait leur donner leur part de cité …
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils font, c’est vous qui leur fîtes »

Il n’y a pas que du matériau narratif dans « Song … », il y a surtout de la dénonciation d’un système -fascisant proche des « Désarrois de l’élève Törless » de Robert Musil (*) - mis en place en en Irlande jusqu’en 1984.

Système visant à détruire, à casser le petit d’homme en devenir.

Comme dans le film « The Magdalene sisters », dans lequel le réalisateur, Peter Mullan, s’attache à décrire les dégâts causés à de jeunes filles dans des établissements à l’esprit similaire à celui de « Song … ».

Il y a des cinémas nourris par le regard sans fard qu’ils posent sur une réalité. Dure et sordide (**).

Se consoler en disant qu’elle appartient au passé est un raccourci de confort auquel il convient de ne pas céder.

Face à une actualité religieuse toujours brûlante, il ne faut jamais baisser la garde de la vigilance et de la tolérance zéro pour les abus qui abusent des plus faibles. Des plus jeunes. (mca) 

 

(*) adapté à l’écran par Volker Schlöndorff

(**) dureté que le cinéaste a tenté d’adoucir par l’arrivée d’un professeur laïc dont la philosophie pédagogique est proche de celle de Robin Williams dans " Dead poets society" de John Keating