Autour d’un livre
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HOWL

Rob Epstein & Jeffrey Friedman (USA 2010)

Mary-Louise Parker, James Franco, Jon Hamm, Jeff Daniels

90 min.
14 septembre 2011
HOWL

Vivre sans poésie c’est être unijambiste (*)

Cri et écrit. Il arrive que les deux se confondent lorsqu’ils sont confession et expriment l’engagement d’un poète à dire, de la façon la plus sincère qui soit, le désir homosexuel, la rébellion par rapport à une civilisation qui a trahi ses idéaux et les vibrations d’une conscience stimulée par les hallucinogènes.

En 1955 Alan Ginsberg a 29 ans. Il a traversé épreuves, douleurs et désillusions. Connu l’hôpital psychiatrique et rencontré un écorché vif, Carl Salomon, auquel il dédie un texte-hurlement dont le langage cru et explicite suscite, sur requête de la ville de San Francisco, la saisie judiciaire des exemplaires mis en vente pour « obscénité ».

Ce n’est évidemment pas la première fois que censure et bienséance font bon ménage (Beaumarchais, Flaubert, Baudelaire ) mais c’est la première fois que cette relation devient un enjeu quasi sociétal nécessitant de redéfinir la notion de liberté d’expression.

Celle-ci peut-elle être bornée par les exigences d’une Amérique puritaine ou est-elle inconditionnelle ?

C’est à ce passionnant débat que nous invite « Howl » qui, bien plus qu’un biopic sur un poète, est une profonde réflexion sur ce qui nourrit une œuvre et sur la façon dont elle est reçue par le public.

Ces processus créatif et réactif, les cinéastes ont eu l’originale idée de l’épingler de plusieurs façons afin d’en souligner la richesse et les aléas - pellicule noire et blanche pour la lecture du poème ou mise en dessins animés de certains de ses extraits, interview imaginaire de l’artiste, reconstitution du procès par lequel un éditeur se défend contre la mise en cause de son travail de diffuseur d’art.

Procédé audacieux et rigoureux dans la ligne du documentaire « The celluloid closet » (**), maintien d’un suspens jusqu’au prononcé de la décision de la cour suprême, joutes oratoires entre un avocat fervent partisan d’une citoyenneté sans entrave et un procureur qui anticipe les thèses de l’actuel « Tea party », apportent à ce film intelligence et passion.

Transcendé par la composition viscérale d’un James Franco qui entre ainsi dans le Panthéon des acteurs qui ont su, physiquement et psychologiquement, donné vie à des écrivains (Maria Medeiros pour Anais Nin et Philip Seymour Hoffman pour Truman Capote ***), « Howl » est un magnifique hommage au père de la Beat Generation et à ces hommes de loi qui conçoivent leur métier sans a priori ou préjugé.

« Howl » c’était il y a plus de 50 ans, mais « Howl » ça pourrait être demain si on n’y prend garde.

Dans une Amérique à de nouveau tentée par ses démons homophobes et ses fanatismes moralo-religieux, « Howl » a le mérite et le courage de nous rappeler qu’aucun artiste n’est condamné à être damné. (mca)

(*) « L’indifférence des étoiles » de Jean Carrière en édition Pocket
(**) les arrangements et ruses d’ Hollywood pour aborder, dans un Monde codé WASP, le thème de l’homosexualité.
(***) respectivement dans les films de Philip Kaufman et Bennett Miller