Comédie
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Coup de coeurMON PIRE CAUCHEMAR

Anne Fontaine (France 2011)

Isabelle Huppert, Virginie Efira, Benoît Poelvoorde, André Dussolier

44 min.
9 novembre 2011
MON PIRE CAUCHEMAR

Quand le punch des interprètes met KO les clichés d’un scénario, ce n’est pas un cauchemar mais un rêve. Et des meilleurs.

Est-ce un déclic dû à « L’arnacoeur » mais depuis le succès de ce film avec Vanessa Paradis et Romain Duris le cinéma français s’est jeté, avec la confiance d’un chat ronronnant de plaisir, sur une nouvelle croquette dont les qualités sont simples mais diablement efficaces.

Une rencontre improbable, des personnages bien typés, des obstacles à surmonter et une question. Qui domine toutes les autres : quand les héros s’embrasseront-ils ?

Isabelle Huppert rencontre Benoît Poelvoorde lors d’une réunion de parents. Elle est bobo, plutôt antipathique, emmurée dans un persistant contrôle d’elle-même. Il vit de bricoles et à l’instinct, il dort dans sa camionnette et cache pas mal de blessures sous une apparence hyper décontractée.

Ce qui séduit et arrive à gommer l’impression de déjà-vu de ce face-à-face entre deux caractères que tout oppose c’est une étonnante énergie qui émane à la fois des acteurs et des dialogues d’une réalisatrice (*) qui renoue en le peaufinant avec le déjanté impertinent de « La fille de Monaco ».

Les premiers sont convaincants, amusants, mêlant panache et brio, avec un entrain qui garde la cadence pendant presque toute la durée du film, les seconds sont vifs, vachards et drôles.

La méthode du « choc des cultures et des tempéraments » pour fonctionner demande du doigté. Il en faut peu pour déséquilibrer la mécanique du rire : un trop d’extravagance ou manque de subtilité et hop le charme est rompu.

Dans « Mon pire … » tout est calibré, millimétré, intelligemment dosé et pourtant les comédiens arrivent à aérer ce côté « réplique bien écrite » par une aisance, une pétulance qui n’étonnent pas de la part du bousculeur Poelvoorde et n’étonnent plus de la part d’Isabelle d’Huppert dont la vis comica, déjà repérée, dans « Sac de nœuds » et « Copacabana » trouve ici un réjouissant exutoire.

Ce duo gagnant, même s’il n’en a pas l’objectif délibéré, minorise par sa justesse les prestations de l’autre couple du film dont les rapports sont moins harmonieux - Virginie Effira doit encore revoir sa copie pour être à la hauteur de celle, feutrée et secrètement inquiète, d’André Dussolier.

Il n’y a pas que de l’humour dans « Mon pire … » il y a aussi des interrogations sur des topiques de notre société - les inégalités sociales et économiques, les aléas de l’inné et de l’acquis, la marginalisation des oubliés du travail, l’impossibilité pour un couple de fonctionner si le charnel et le cérébral ne se tiennent plus la main.

Il y a aussi un regard, déluré et délié, sur une certaine forme d’art moderne qui au lieu de symboliser la fracture entre les milieux sociaux (d’un côté les amateurs éduquées et de l’autre les ignorants) va rapprocher, sur un plan émotionnel, les individus les plus disparates.

Saluons au passage le sens de l’autodérision du photographe Sugimoto qui a accepté d’être figurant dans une scène dont on ne sait pas très bien si elle le valorise ou si elle s’en gausse.

 « Mon pire cauchemar » réussit la plus jolie des gageures : être, par son contenu, non seulement son propre démenti mais encore la source de son exact contraire : un idéal.

Idéal à la fois pour le spectateur ravi de s’être éclaté et pour des acteurs qui choisissent la voie de la fantaisie dans un film léger et réussi. (mca)

(*) que l’on a connue plus grave dans « Nettoyage à sec » et « Entre ses mains »

(**) artiste célèbre pour avoir notamment photographié de vieux cinémas et drive-in américains - http://www.galerie-photo.com/hiroshi-sugimoto.html