Dessin animé de qualité stylistique +++
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Coup de coeurLE TABLEAU

Jean-François Laguionie (France/Belgique 2011)

scénario : Anik Le ray - graphisme : Jean Palenstijn, J-F Laguionie

76 min.
23 novembre 2011
LE TABLEAU

« Sous la lampe, ce soir, Charmille est un prénom » (Paul Eluard)

Sur l’écran, aujourd’hui « Le tableau » est vivant.

Il émane de ce dernier long métrage de Jean-François Laguionie (comme le cinéma poétique de Paul Grimault « Le roi et l’oiseau") un charme subtil et exquis. Fait de fantastique et de terre-à-terre.

Son art est un concentré d’énergie délicate et enchantée.

Qui ravit les yeux et le cœur des spectateurs auxquels ne sera pas imposé un rythme d’action rapide et saccadée - contrairement à la plupart des films animés contemporains dont le tempo allegro fatigue autant qu’il dissipe l’attention.

Sa vérité, il la tire d’une fluidité délicate d’images qui prennent appui sur une intrigante technique, mélangeant peinture à l’huile animée et prises de vue réelle, qui met face à face, dans le cadre restreint d’un tableau inachevé, 3 sortes de personnages aux frontières aussi hiérarchisées que les castes en Inde : les tout-peints, les pas-finis et les reufs ou esquisses.

Les créatures inachevées ou simplement brossées, mécontentes de leur sort, partiront comme dans une pièce de Pirandello à la quête de leur auteur.

De leur créateur, le peintre. Cet espèce de Dieu qu’ils interpelleront afin de savoir pourquoi ils ont été abandonnés.

S’il y a de la belle facture matérielle dans « Le tableau » - somptuosité des décor à la Gaudi, caresse des ciels et des végétaux, émotion et perplexité des visages - il y a aussi des idées.

Donnant au propos une aérienne bouffée métaphysique qui célèbre la peinture (les références picturales sont nombreuses, Matisse, Derain, Gauguin, Toulouse-Lautrec… ) autant qu’elle la questionne ; serait-elle, comme le suggère le jeune artiste gantois Matthieu Ronsse connu pour reprendre, retravailler, modifier ad neccessitum son œuvre, une « vaste action painting » faite de stand by momentanés ?

Il n’y a pas une once de « motion picture » dans « Le tableau ». Il y a mieux.

De « l’emotion picture ».

Emmenez-y vos petits enfants pour titiller leur regard hors du carcan tintino-dysneylando-pixarien. (mca)

(*) à la galerie Almine Rech, rue de l’Abbaye 20 à 1050 Bruxelles jusqu’au 4 décembre 2011