ALBERT NOBBS

Atypique, c’est le qualificatif le plus adéquat qui parvient à l’esprit après la découvert de Albert Nobbs. Atypique, et touchant.

Glenn Close, méconnaissable*, y atteint les sommets de son cinéma dans le rôle d’une femme se faisant passer pour un homme, Albert Nobbs, un homme au service d’une maisonnée aisée dans l’Irlande du 19ème siècle.

Après 30 années de loyaux services, l’envie de retrouver une vie propre et de se délester du service et du don perpétuel vers l’extérieur nait en elle. La rencontre d’une autre femme se cachant sous un habit masculin, Hubert Page, va l’inspirer, jusqu’à réveiller en elle le projet d’ouvrir un bureau de tabac.

En effet, il se trouve qu’Hubert Page (une Janet McTeer à couper le souffle) a épousé une compagne de route avec laquelle cette femme devenue homme dans la vie publique mène une existence tendre et heureuse. Soudain, c’est le potentiel d’une vie éloignée de la désolation intérieure dans laquelle vit Albert qui se laisse entrevoir. Soudain, c’est l’espoir de donner fin à une existence transparente qui s’anime.

Pour l’accompagner dans l’évasion d’une vie de servitude, Albert commence à faire la cour à une servante de la maisonnée, Helen. Cette dernière, en proie à une passion amoureuse pour un homme logeant dans les lieux, va voir son existence chamboulée en quelques mois.

Dans Albert Nobbs , c’est à la lutte de personnages denses aux tréfonds de l’âme tourmentés que nous assistons. Une lutte qui se dessine loin du verbal ou de l’explicite et qui peuple les interstices des regards muets, du voile obscurcissant l’espoir que chacun ose effleurer du bout de ses rêves.

La solitude extrême d’Albert, ayant fait de sa vie une mascarade se refermant désormais comme un piège, n’a pas de limite. L’histoire de ses choix, ceux qui ont dessiné une existence très différente de celle qui fut rêvée, laisse un impact durable, ouvre la porte à une réflexion sur nos propres limitations pour laisser entrevoir le soulagement d’une grande liberté récupérée par nous-mêmes, à nous-mêmes.

(Ariane Jauniaux)

*En ce début d’année 2012, les rôles à transformation extrême (Leonardo Dicaprio, Glenn Close et bientôt Meryl Streep) s’accumulent, mettant ces acteurs sous le feu des projecteurs de la course aux Oscars.