Occasion de réfléchir
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Ruben östlund (Suède 2011)

Anas Abdirahman, Sebastian Blyckert, Yannick Diakité, John Ortiz

118 min.
18 avril 2012
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On le sait et Françoise Giroud en a fait le titre d’un livre de mémoires « Personne n’est heureux tout le temps » mais est-ce pour cela que le spectateur doit se mettre dans la gueule du cinéaste, comme l’antilope dans celle du lion, qui a choisi de privilégier pour pointer un fait divers, le racket par de jeunes immigrés de lycéens plutôt bourgeois, un climat de malaise. Continu et perturbant.

Climat d’angoisse parce que la résolution des conflits se fait manu militari, sans recourir aux instances policières ou judiciaires - les parents adoptant pour "protéger" leurs enfants les méthodes d’intimidation et d’humiliation utilisées par les délinquants.

Climat d’angoisse en raison des troublantes relations de complicité voire de consentement qui s’installent entre victimes et bourreaux. 

L’histoire se passe en Suède de nos jours, dans une ville, Göteborg, chère aux amateurs du 7ème art parce que s’y trouve une école de cinéma, célèbre pour ses remises en cause de la linéarité narrative et ses techniques de tournages non conventionnelles.

Qui transforment la caméra en un étrange objet de captation de la réalité. Objet à la fois voyeuriste et distante - rien ne lui échappe des réactions les plus viscérales à la peur et en même temps le sujet est traité comme s’il était un documentaire, un jeu de rôles qui tient à distance les débordements et les émotions.

Comme il l’avait fait dans "Involuntary" (*), Ruben Östlund continue de porter sur son pays un regard décapant, bien éloigné de celui qui en fait le symbole d’une société égalitaire dans laquelle le collectif et l’individuel se mêlent avec harmonie et équilibre.

La Suède décapée par les plans fixes et les plans séquences (était-il nécessaire qu’ils soient si répétitifs et étirés sur près de 120 minutes ?) du réalisateur donne le bourdon autant qu’elle fait froid dans le dos.

Il y a dans son cinéma une exigence esthétique sèche, accablante et secrètement perverse comme chez Kornel Mundruczo (« Pleasant days »), une ambiance glauque à l’Ulrich Seidl (« Import export ») qui déprime et un ancrage dans un quotidien violent qui rappelle celui de Michael Haneke.

A croire que lorsque des mots à vocation ludique comme « Play » et « Funny games » figurent dans un titre, ils ouvrent la voie à la provocation à laquelle chacun réagit en fonction de sa capacité à intégrer ou de refuser ce qui est dérangeant.

D’autant plus dérangeant que ces films renvoient à notre indifférence (**) et/ou à notre impuissance d’agir sur les événements.

« Play » a obtenu lors du Festival de Cannes 2011 le prix du coup de cœur de la quinzaine des réalisateurs (mca)

(*) parfois distribué sous le nom "Happy Sweden"

(**) il est tellement commode de faire celle ou celui qui ne voit rien, n’entend rien, ne soupçonne rien de la détresse d’autrui - Lucas Belvaux l’a rappelé dans magistral « 38 témoins »