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INSIDE LLEWYN DAVIS

Joel et Ethan Coen

scar Isaac, Carey Mulligan, John Goodman, Garrett Hedlund, Justin Timberlake.

105 min.
5 novembre 2013
INSIDE LLEWYN DAVIS

New York, hiver 1961. Llewyn Davis (Oscar Isaac), jeune chanteur de musique folk essaie, tant bien que mal, de percer dans le métier. Désargenté, orphelin artistique depuis que son partenaire musical s’est suicidé, considérant la musique comme son seul moyen d’ exister , Llewyn Davis est ballotté par les événements dont il est parfois l’instigateur. Sans domicile fixe, il est soumis au bon vouloir de ceux qui acceptent de lui céder leur canapé pour la nuit.

La première scène du film (superbe dans sa photographie intimiste aux teintes gris bleuté**) s’ouvre au Gaslight Café dans Greenwich Village sur une performance live de Llewyn dont l’intensité musicale est remarquable. Llewyn entame son dernier morceau de la soirée, précisant au préalable que « si cela n’a jamais été nouveau et si ça ne prendra jamais une ride, il s’agit d’une chanson folk ». Sa prestation terminée, le tenancier du bar l’informe que quelqu’un l’attend dans la ruelle située à l’arrière de l’établissement. À peine a-t-il posé un pied à l’extérieur que l’inconnu, qui demeure dans l’ombre en fumant une cigarette, lui assène un violent coup de poing au visage. Correction méritée pour avoir chahuté son épouse la veille lorsqu’elle était sur scène.

La dernière scène revient à ce même point de départ (mais filmée d’un autre angle) ce qui donne au film une forme circulaire (à l’image d’un disque vinyle), le propos étant de suivre une semaine durant les pérégrinations de Llewyn Davis et de comprendre pourquoi il se retrouve ventre à terre dans cette ruelle sombre. Cette image et la question qu’elle sous-entend (pourquoi quelqu’un voudrait-il casser la figure d’un chanteur folk dans une allée obscure ?) présidèrent d’ailleurs à l’écriture du scénario.

Dès la première seconde du film, le ton est donné. C’est bien la musique, et la musique folk en particulier qui est au cœur du film et qui lui confère son rythme. Tous les ingrédients propres au Coen sont bien entendu réunis et ne décevront donc pas leurs fans inconditionnels (même si l’on peut déplorer une rupture du tempo au milieu du film, ce qui le dessert, ainsi qu’un John Goodman qui a tendance à surjouer) : personnages légèrement décalés, humour subtil et légèrement cynique, longs plans d’intérieurs vides… et bien sûr une bande son excellente***. À cet égard, il faut noter l’extraordinaire prestation d’Oscar Isaac qui se révèle aussi bon chanteur qu’acteur.

Inspiré par l’histoire du musicien folk Dave Van Ronk, lequel avait écrit un livre intitulé The Mayor of MacDougal Street, Inside Llewyn Davis n’est pas un biopic de Van Ronk mais s’inscrit dans la renaissance de la musique folk qui s’étend de la fin des années 50 au début des années 60 sur la scène Beatnik new-yorkaise dans The Village avant l’arrivée de Bob Dylan. L’intérêt des frères Coen pour ce genre musical n’est pas neuf ; déjà dans O Brother, Where Art Thou ?, la musique folk des années 50 était largement présente.

Cependant au-delà de l’univers musical qu’il couvre, Inside Llewyn Davis met également à l’honneur New York, The Village, l’atmosphère d’une ville aux couleurs vintage à l’image du paysage mental de ses personnages et de Llewyn en particulier. Par ailleurs, au-delà du contexte des années 50-60, le film pose indirectement la question de la précarité et de la solitude de l’artiste quelle que soit l’époque à laquelle il évolue : l’authenticité, la volonté et les talents d’un artiste aussi bon soit-il ne lui offrent aucune garantie de reconnaissance ni de succès. Une question qui, malheureusement, n’est pas neuve et ne prendra jamais une ride. 

( Christie Huysmans )

(*) Inside Llewyn Davis a obtenu le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes 2013

(**) La direction de la photographie a été confiée à Bruno Delbonnel ( Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, Un long dimanche de fiançailles, Faust …), lequel avait déjà collaboré avec les frères Coen dans le cadre du tournage de leur segment dans le film Paris, je t’aime.

(***) C’est T Bone Burnett qui est le producteur exécutif de la musique et signe par ce film sa quatrième collaboration avec Joel et Ethan Coen.