THE FIFTH ESTATE

Le Cinquième Pouvoir est un film à prétention
informativo/historique, relatant l’avènement
de WikiLeaks, de ses modestes débuts jusqu’au scoop fracassant des crimes de
guerre en Afghanistan.

Un seul mot résume le film tout entier : artificiel. Le
ressort scénaristique le plus courant d’un
film sensé être biographique ? Les effets spéciaux. Oscar Wilde (cité par
Assange) disait : «  Donne à l’homme un masque, il te dira la
vérité » . Le film de Bill Condon est un masque, mais privé de parole. Que l’on adhère ou non à l’idéologie Assange, Wikileaks
est un medium de révélation : traiter son ascension par un travail de
polissage de surface frôle donc l’aberration (voire la tromperie).

Point de vue histoire, Condon décide de mettre l’accent sur
la relation entre Julian Assange ( Benedict Cumberbatch ) et le co-fondateur de
son site, Daniel Domscheit-Berg ( Daniel Brühl ), prenant un clair parti pour le
dernier. Assange est un malade malpoli, dictatorial et fabulateur. Malgré deux acteurs géniaux, les performances perdent en valeur au
service d’un manichéisme scénaristique bon marché. Et au film, plus tard, de mettre en garde le
spectateur sur l’unilatéralité des informations en général : « il faut aller au-delà de tout récit », dixit un film qui use et abuse d’une symbolique outrancière et autres
techniques faciles de persuasion. The Fifth Estate , hypocrite ? Oui,
voire carrément mythomane.

Dans Le Cinquième Pouvoir , donc, Bill Condon pousse jusqu’au vice
l’idée de mettre en images, transformant de manière visuelle et littérale jusqu’au
moindre sentiment. Il traite par la forme un sujet qui appelle au contenu, et
décrédibilise par là-même l’entièreté de son propos. Que quiconque veut passer son samedi
soir à regarder un (long) thriller joliment réalisé n’hésite pas à se rendre au
cinéma, que ceux que l’histoire de WikiLeaks intéresse passent leur
chemin, il n’y a rien à apprendre ici. Le Cinquième Pouvoir n’est
tristement qu’un mensonge arborant un masque de vérité. 

Aurélie Waeterinckx