Thriller psychologique
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EL CLUB

Pablo Larraín

Antonia Zegers, Alfredo Castro, Jaime Vadell, Alejandro Goic et Alejandro Sieveking

98 min.
16 décembre 2015
EL CLUB

« J’ai été élevé dans la tradition catholique et ensuite, je suis devenu réalisateur », a déclaré Pablo Larrain à l’issue de la projection d’ El Club à Berlin en 2015, où il a remporté le Grand Prix du Jury. Et pour cause, le cinéaste chilien ne mâche pas ses mots pour régler ses comptes avec l’Eglise Catholique et dénoncer la politique pour le moins « miséricordieuse » dont ont trop souvent fait preuve l’Eglise et ses prélats à l’égard de certaines brebis galeuses.

Monica, une étrange nonne (Antonia Zegers) et quatre prêtres tout aussi bizarres, Vidal (Alfredo Castro), Silva (Jaime Vadell), Ortega (Alejandro Goic) et Ramirez (Alejandro Sieveking) vivent reclus dans une maison située sur la côte chilienne. Lorsqu’ils ne boivent pas du vin ou qu’ils ne regardent pas la télévision, ils entrainent leur lévrier en vue de la prochaine course. Mais par Dieu, qu’est-ce qui a bien pu amener cette petite bande d’ecclésiastiques peu ordinaires à se rassembler ? Et pourquoi se retrancher du monde dans un coin aussi perdu et aussi déprimant ? Un lieu qui semble loti aux portes de l’enfer ; là où le soleil ne brille jamais et où souffle constamment un vent mauvais. Lorsqu’un nouvel arrivant, le Père Lazcano (Jose Soza) vient se joindre au groupe, un homme hirsute et négligé, Sandokan (Roberto Farias) débarque brusquement et l’accuse haut et fort des pires ignominies. L’homme, qui a tout d’un vagabond délirant et d’un ogre en disgrâce, ne s’encombre d’aucune fioriture langagière, et sa vulgaire logorrhée s’embrase en un puissant crescendo que rien ni personne ne semble pouvoir faire taire. Le Père Lazcano répond aux accusations proférées à son encontre par le silence et se tire une balle dans la tête. L’Eglise dépêche alors sur place un enquêteur-psychologue aux allures de Jésuite, le séduisant Père Garcia (Marcel Alonso).

Mais quelles sont les réelles intentions de l’investigateur ? Est-il là pour dévoiler la sacrilège vérité ou a-t-il l’intention de s’assurer que les apparences de sainteté religieuse seront bien maintenues ? Entre l’ombre de la damnation et la lumière du salut, El Club traverse impudemment les eaux fangeuses d’un fleuve de mensonges, et en extrait brillamment les alluvions les plus nauséabondes.

Servi par une palette d’acteurs diaboliquement talentueux, El Club figurait sans doute parmi les films les plus provocants de la Berlinale 2015. Décapant par son humour noir et la virulence de ses dialogues, troublant par les faux-fuyants qu’il s’efforce à la fois de dévoiler et d’escamoter de manière caustique, El Club parvient également à maintenir un suspense constant en faisant de son investigateur un « trouble-fête » dont les intentions demeurent obscures. Prêchant le faux pour obtenir le vrai, le Père Garcia incarne à merveille la duplicité d’un ange démoniaque. En jouant sur une atmosphère pesante où les gris dominent largement et en plaçant son action dans des décors froids, sombres et malsains, Pablo Larrain réverbère extérieurement le malaise psychologique et éthique que suscitent tous les protagonistes du film.

El Club , est Le film à voir absolument pour tous ceux qui font partie du grand club des cinéphiles mais… oreilles chastes, s’abstenir !

( Christie Huysmans )