Western
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LES COWBOYS

Thomas Bidegain

François Damiens John C. Reilly Finnegan Oldfield Antonia Campbell-Hughes

114 min.
9 décembre 2015
LES COWBOYS

Scénariste de Jacques Audiard (« Un Prophète », César du meilleur scénario original, « De rouille et d’os », César de la meilleure adaptation), Thomas Bidegain est loin d’être un novice dans le monde du cinéma et signe avec « Les Cowboys » une première œuvre remarquable en tant que réalisateur. S’inspirant de « La Prisonnière du désert » (John Ford, 1956) et d’« Hardcore » (Paul Schrader, 1979), le film raconte l’histoire d’un père de famille, Alain (François Damiens) à la recherche de sa fille, Kelly, une adolescente qui se serait enfuie avec son petit ami. Entraînant avec lui son fils, Kid (Finnegan Oldfield), il vouera le reste de sa vie à essayer de retrouver un équilibre à jamais perdu. 

Rythmé par les attentats du 11 septembre, Madrid, Londres et Jakarta, le film entre en résonnance avec l’actualité. Il parvient toutefois à maintenir une certaine distance, non pas tant par la période dans laquelle il s’inscrit, mais plutôt par l’utilisation de procédés cinématographiques comme le choix de tourner en scope anamorphique, format apparu dans les années 1950 et souvent utilisé dans les westerns. Le recours à ce type de format est loin d’être le seul rapprochement au genre, comme en témoigne sans détour le titre du film. Mais Thomas Bidegain va encore plus loin en transposant les codes du western (le conflit entre l’ordre civilisé et l’absence de loi au-delà de la frontière, le chasseur de primes interprété par John C. Reilly, les silhouettes sur les toits tel un guet-apens indien, les chevauchées sauvages à travers les montagnes, etc.) dans un contexte contemporain où les Indiens sont désormais les Arabes. 

S’il est entre autres question du départ de ces jeunes Européens pour le Djihad, le véritable propos du film porte avant tout sur la transmission. C’est d’abord le père qui cherche sa fille, et ensuite, le fils prend le relais. D’une certaine manière, le récit filmique amorce déjà les prémices de cette transmission dès le début, lorsque la famille reçoit la première lettre de Kelly. Le point de vue glisse alors du père au fils, permettant au spectateur de découvrir le contenu de la lettre. Un autre indice réside sans aucun doute au sein même de l’évolution physique de Kid, véritable indicateur du temps qui passe et par conséquent, de la transmission de la quête d’une génération à la suivante. Et si le titre s’emploie à parler des cowboys, le seul qui en devient réellement un, c’est Kid. Le père en a peut-être l’allure avec son chapeau et ses santiags, mais il est loin d’en avoir la carrure. La recherche de sa fille lui permet tout au plus de voyager au-delà des frontières comme ses modèles, mais il finit par s’enfermer dans une quête narcissique. Alors qu’au contraire, le fils va s’ouvrir au monde, aspirant en lui les caractéristiques du héros fordien.

« Les Cowboys » n’est pas simplement un film de scénariste. Thomas Bidegain prouve qu’il maîtrise également la direction d’acteur, ainsi que la mise en scène dont l’économie de la scène finale finit par nous convaincre totalement de la qualité de ce premier film. Et n’en déplaise à ceux qui ont pu qualifier la sortie de ce film d’indécente politiquement et cinématographiquement, puisque survenant peu de temps après les attentats du 13 novembre à Paris, il ne faut pas pour autant cesser de faire des films en rapport avec la réalité. Le propre du cinéma n’est-il pas justement d’être le reflet de notre société, de notre humanité ? En nous proposant une relecture du monde qui nous entoure, il nous offre la possibilité de poser un regard différent sur la réalité et de nous interroger sur nous-même et les valeurs que nous voulons transmettre. En ce sens, le film « Les Cowboys » semble d’autant plus avoir sa place en cette période. 

Nathalie De Man

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