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THE REVENANT

Alejandro González Iñárritu

Leonardo DiCaprio Tom Hardy Will Poulter Domhnall Gleeson Lukas Haas Brendan Fletcher Javier Botet Kristoffer Joner

150 min.
27 janvier 2016
THE REVENANT

Un an après « Birdman », Alejandro G. Iñárritu
revient avec un autre chef-d’œuvre, « The Revenant ». Basé sur une
histoire vraie et adapté du roman éponyme de l’écrivain Michael Punke
(2002), le film ressuscite la figure légendaire d’Hugh Glass. Alors
qu’il est employé comme guide par une bande de trappeurs, l’homme est
attaqué par une mère grizzli. Grièvement blessé, il est abandonné par
ses compagnons qui l’enterrent vivant au milieu de la forêt. Mais mû par
un instinct de survie et une volonté de vengeance, Hugh Glass s’extirpe
de la tombe et entreprend un long voyage de rédemption. L’histoire
avait déjà été mise en scène à travers le film « Man in the Wilderness »
(Richard Sarafian, 1971) avec Richard Harris. Cette fois-ci, on
retrouve au casting Leonardo DiCaprio qui nous livre sa meilleure
performance. Pour interpréter Hugh Glass, l’acteur a étudié deux langues
amérindiennes (le pawnee et l’arikara), ainsi que d’anciennes
techniques de guérison. Les conditions de tournage lui ont également
permis de s’immerger totalement dans la peau du personnage.

Inspiré
par « Andrei Rublev » (1966) d’Andrei Tarkovsky, « Aguirre, the Wrath
of God » (1972) et « Fitzcarraldo » (1982) de Werner Herzog, « Dersu
Uzala » (1975) d’Akira Kurosawa ou encore « Apocalypse Now » (1979) de
Francis F. Coppola, le réalisateur mexicain a éprouvé le besoin de
sortir des studios afin d’être au plus près de la réalité. Pour recréer
le Dakota des années 1820, l’équipe a été tourner au Canada (provinces
de Colombie-Britannique et Alberta), aux États-Unis ainsi qu’en
Argentine, dans des conditions parfois extrêmes (les températures
pouvant descendre jusqu’à moins 40 degrés). De plus, Iñárritu a choisi
de tourner les scènes chronologiquement et de recourir uniquement à la
lumière naturelle, le chef-opérateur n’étant pas moins qu’Emmanuel
Lubezki (« The Tree of Life », « Gravity », « Birdman »). L’équipe
disposait donc seulement d’une heure et demie par jour pour filmer. À
ces « contraintes » est venu s’ajouter le mauvais temps, étalant le
tournage sur 9 mois au lieu de 80 jours comme le prévoyait le calendrier
de départ. En conséquence, le budget initial est passé de 60 à 135
millions de dollars. Si cette méthode peut surprendre à l’ère du
numérique, elle se révèle d’une efficacité incroyable.

La scène
d’ouverture, à mi-chemin entre le flash-back et l’onirisme, nous dévoile
un paradis perdu, celui du personnage principal. La caméra emprunte
ensuite une rivière à contre-courant sur laquelle vient s’inscrire le
titre du film « The Revenant ». Ce geste résume à lui seul le propos du
récit filmique. Il serait tentant dans un premier temps d’effectuer un
rapprochement avec l’esthétique de Terrence Malick. Le paradis perdu est
d’ailleurs l’un des motifs récurrents chez le réalisateur américain, où
le souvenir de l’être aimé ravive la nostalgie d’un temps appartenant
désormais au passé. La femme y apparaît davantage comme une trace plutôt
qu’une image, elle est une émotion pour le protagoniste. Par leurs
répétitions, les flash-backs et les séquences oniriques viennent
intensifier la solitude d’Hugh Glass, auxquels s’ajoutent les gros plans
qui isolent son visage. Tout comme chez Malick, certains protagonistes
possèdent aussi une voix intérieure qui leur confère une personnalité
différente, et leur permet d’exister en dehors des limites de leur
corps. Quant aux mouvements et aux angles de la caméra, ils soulignent
que les êtres sont visibles de tous les points de l’espace, l’univers
diégétique étant un monde ouvert sur 360 degrés.

Si « The
Revenant » semble se nourrir de multiples influences, il possède
également sa propre cohérence. S’inscrivant dans la continuité du cinéma
d’Iñarritu, le film développe les thèmes de la quête spirituelle et des
questions de métaphysique, qui ont toujours préoccupé le réalisateur.
Il suffit de repenser au titre du film « 21 Grams » (2004) qui faisait
référence à la théorie de D. McDougall selon laquelle le poids de l’âme
serait de 21 grammes. À travers « The Revenant », Iñarritu développe
aussi les thématiques de la survie, de la vengeance et oppose la
violence de la nature à celle de l’homme avec ses semblables. Le
réalisateur pousse ses acteurs dans leurs derniers retranchements, en
particulier Leonardo DiCaprio qui s’est littéralement mis au service de
son art. Le film, qui a déjà remporté trois Golden Globes (meilleur film
dramatique, meilleur réalisateur et meilleur acteur), part grand favori
des Oscars avec 12 nominations. L’immersion, tant physique
qu’émotionnelle, fournit un caractère d’authenticité au récit. En se
concluant sur un regard caméra d’Hugh Glass/Leonardo DiCaprio et en
dévoilant par la même occasion le dispositif cinématographique, « The
Revenant » semble nous dire : « Tout cela n’est que du cinéma, ou
presque ».

( Nathalie De Man )

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