Rattrapage
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AMERICAN HONEY

Andrea Arnold

Sasha Lane, Shia LaBeouf, Riley Keough

163 min.
8 février 2017
AMERICAN HONEY

Star est une jeune fille à la recherche d’indépendance. Elle vit au sein d’une famille dysfonctionnelle, une mère absente, un père incestueux, et s’occupe de son frère et de sa sœur. Un jour, elle rencontre Jake dans un supermarché qui lui propose de rejoindre le groupe de jeunes avec lequel il parcourt le Midwest américain. Pour gagner leur vie, ils vendent des magazines en faisant du porte-à-porte. Star accepte, y voyant l’opportunité de s’échapper enfin de l’enfer familial dans lequel elle vit.

Disons-le d’emblée, « American Honey » est loin d’être aussi éblouissant que ne le promettait sa bande-annonce. Le film a pourtant bénéficié d’un très bon accueil critique, que ce soit à Cannes ou encore aux British Independent Film Awards où il s’est vu récompensé. Tous ces échos nous donnaient envie, en tant que spectateurs, de découvrir ce film attendu depuis presqu’un an. Quel ne fut donc pas notre désenchantement face à l’écran.

« American Honey » est le quatrième long-métrage de la réalisatrice Andrea Arnold (« Fish Tank », « Wuthering Heights »), mais c’est aussi son premier tourné aux USA. Elle s’est inspirée d’un article paru dans le New York Times en 20071 qui décrivait la situation difficile de ces jeunes employés par des sociétés non réglementées qui les envoient sur les routes frapper aux portes de particuliers pour vendre des abonnements de magazines. Andrea Arnold reprend cette trame de fond pour évoquer cette jeunesse white trash assoiffée de liberté mais prisonnière des règles du monde dans lequel elle vit. Ce contraste se retrouve directement dans l’utilisation du format 1.37 :1 qui recadre de manière stricte l’énergie débordante des personnages. Mais si ce choix cinématographique semble trouver du sens, il porte directement préjudice à l’immensité des paysages et indirectement au côté road movie du film. Peut-être que la cinéaste a voulu poser un geste et réinventer le genre, sauf qu’en l’occurrence, ça ne fonctionne pas.

En ce qui concerne les personnages, l’héroïne est cette jeune fille, prénommée Star (Sasha Lane), qui cristallise en elle tout un ensemble de désirs (liberté, sexualité, …). Andrea Arnold renoue avec la figure de l’adolescente rebelle. Sauf que pour assouvir ses envies, il va falloir qu’un homme intervienne, en l’occurrence le charismatique Jake (Shia LaBeouf). Il va être le facteur déclencheur qui va l’amener à quitter le foyer familial pour rejoindre tout ce beau petit monde qui se balade de villes en villes. Il va y avoir des moments où Star va sembler s’éloigner de Jake mais elle cherchera toujours d’une certaine façon son approbation. Elle est beaucoup moins indépendante que ce qu’elle ne laisse transparaître. Tout cela fait à nouveau échos au reste du film. Ces jeunes qui semblent libres de leurs mouvements mais qui au final doivent quand même faire du cash pour avancer. Et pour contrôler tout cela, il y a Krystal (Riley Keough), la boss, dont le favori n’est autre que Jake. Cela va faire naître un rapport de force entre elle et Star, la petite nouvelle qui tombe amoureuse de lui et qui ne le laisse pas indifférent non plus.

Mais alors qu’est-ce qui sonne faux ? Comment ce film esthétiquement aussi beau, qui s’attache à cette jeunesse sous fond de road trip, avec une bande originale si énergique et des acteurs, qui pour la plupart sont des non-professionnels, mais qui s’en sortent à merveille, peut-il être aussi décevant ?

Il est certain que la longueur du film n’arrange rien. Fallait-il vraiment qu’il s’étale sur 2h43 ? Il aurait sûrement gagné en dynamique à opter pour des ellipses au montage et à nous éviter certaines scènes répétitives qui nous donnent l’impression d’errer au milieu de cette projection. Mais même en réduisant sa longueur, il reste toujours une impression de trop peu. On a le sentiment d’être baladé d’un lieu à un autre, sans jamais vraiment s’y attarder. On ne connaît pas vraiment les personnages, ils sont là comme pour donner une forme au groupe mais restent sans consistance. On tente de prendre du plaisir sur les séquences où vient se poser l’une ou l’autre chanson de la bande originale, mais cela ne dure jamais qu’un court instant. « American Honey » manque donc sérieusement de fond. C’est un bel objet, mais cet objet est vide. Tout est effleuré du bout des doigts comme si on tournait les pages d’un magazine avec de belles images.

(Nathalie De Man)

1 « Le porte-à-porte : de longues journées, de maigres récompenses ; pour les jeunes, une vision morose des vendeurs de magazines », écrit par Ian Urbina.