Berlinale 2019

SYNONYMES

Nadav Lapid

Tom Mercier, Quentin Dolmaire, Louise Chevillotte

123 min.
27 mars 2019
SYNONYMES

Inspiré par son expérience personnelle, Nadav Lapid se propose de mettre en scène (plus que de raconter) le parcours d’un jeune Israélien, Yoav (Tom Mercier), traumatisé par son passé militaire, qui débarque à Paris avec la ferme intention de devenir pleinement français. Bien décidé à se « purifier » d’une identité nationale quasi psychotique, il se refuse à parler hébreu, ingurgite à longueur de journée le vocabulaire de langue de Baudelaire, et débite d’interminables listes de synonymes. Mais dès son arrivée, les choses commencent mal puisqu’il se fait voler toutes ses affaires alors qu’il prend une douche glacée après s’être masturbé rapidement. (Certains esprits, probablement plus perspicaces que nous, ont vu dans cette scène « une rituel de purification et de renaissance ».) Se retrouvant nu comme un ver, il tente d’appeler à l’aide en ameutant tous les voisins de l’immeuble mais sans succès, toutes les portes demeurent closes. Ce n’est que le lendemain matin, qu’un couple (Quentin Dolmaire et Louise Chevillotte) se risque à aller voir ce qui a suscité le tohubohu entendu la nuit précédente, et pénètre prudemment dans l’appartement de Yoav. Le retrouvant quasi mort de froid dans la baignoire, ces gentils bourgeois (que l’on croirait sortir tout droit de l’Île aux enfants et du pays des Bisounours) décideront d’emmener le pauvre malheureux chez eux et de le prendre sous leur aile en lui offrant vêtements, argent et écoute. C’est bien entendu là le propre même de l’accueil et de la générosité légendaires de nos amis parisiens toujours prêts à rendre service au premier quidam en détresse… Malheureusement, Yoav se rendra bien vite compte que son assimilation française sera bien plus malaisée qu’il ne se l’imaginait, la patrie des Droits de l’Homme souffrant elle aussi de quelques relents nationalistes, voire belliqueux eu égard notamment à son hymne national, qui, comme chacun le sait, est un manifeste exemplaire pour la paix.

On l’aura compris, à travers « Synonymes » Nadav Lapid dénonce rageusement la violence et la dérive mortifère d’un État hyper militarisé et belligérant ainsi que ses effets traumatiques sur ses individus, et ce, tout en s’insurgeant au passage contre toutes les formes de nationalisme. Le thème est loin d’être neuf ; Samuel Maoz, entre autres, l’avait fait avec beaucoup plus de subtilité, d’intelligence, d’humour et d’habileté dans « Foxtrot ».

Couronné de l’Ours d’Or à la Berlinale 2019, « Synonymes » n’est pourtant qu’une gesticulation adolescente et colérique, qui, si elle vise clairement à scandaliser et à déranger, rend, au final, son propos totalement stérile.

Certes, le troisième long-métrage du réalisateur israélien s’est vu, regrettablement, accorder les faveurs du Jury de la Berlinale 2019, et a été encensée par une intelligentsia critique, qui est tombée en pâmoison devant ce cinéma qui brasse allègrement du vide deux heures durant, voyant même dans le génial Lapid, la renaissance d’un nouveau Godard.

Or, la liste des synonymes pourrait être bien longue pour en qualifier l’inanité tout autant que la vanité. Prétentieux, nombriliste, pseudo-cérébral, film à l’arrière garde d’une avant-garde qui date du siècle dernier, ampoulé d’une théâtralité logorrhéique exaspérante, truffé d’incohérences, et doté d’un protagoniste qui tient plus du concept que du personnage, « Synonymes » est en fait l’archétype même de la de supercherie intellectuelle et de la fatuité cinématographique dans toute sa splendeur.

Christie Huysmans