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DUMBO

Tim Burton

Eva Green, Michael Keaton, Colin Farell et Danny De Vito

112 min.
27 mars 2019
DUMBO

Dumbo, la nouvelle génération

Les studios Walt Disney reviennent avec un énième remake, mais pas n’importe lequel. Cette fois, les studios s’attaquent à l’une de leur chef d’œuvre, Dumbo. Cette nouvelle version du film lancera 2019 comme l’année des adaptations. Au moins, 4 reprises des classiques Disney seront produites cette année. Une année en 4 actes, avec Maleficent : lady of evil (Joachim Ronning) en dénouement ; The Lion King (John Favreau) en climax ; Aladdin (Guy Ritchie) en péripétie ; et enfin Dumbo en élément déclencheur dans une scène d’ouverture fabuleuse, qui expose le ton de l’année. Et Disney décide d’ouvrir ce récit des remakes en confiant le premier acte au narrateur par excellence, Tim Burton.

Tim Burton relève ce défi avec force, comme à son habitude, et signe une nouvelle adaptation, larmoyante, certes, mais surtout optimiste, et avec un message important : celui de la liberté. Un message en corrélation avec la tendance écolo-veggie avec laquelle évolue la génération 2019. Mais que raconte donc cette nouvelle version de Dumbo ?

Dumbo naît dans le cirque de la famille Medici, où se produisent clowns, magiciens et dresseurs, dont Holt Farrier, qui revient de la guerre et se retrouve chargé de dresser l’éléphanteau. Mais, Holt est "vieux jeu" et ne comprend pas les possibilités qu’offre cet animal, aux oreilles disproportionnées qui causent les moqueries du public. Suite à un accident, Madame Jumbo est revendue ; ce qui plonge son fils, Dumbo, dans une profonde tristesse. Les enfants Farrier, qui ont eux-mêmes perdu leur maman, consolent le petit être, et découvrent que celui-ci peut voler. Ils le dressent et en font un numéro remarquable. Remarqués, Dumbo et la troupe Medici sont rachetées par un grand rêveur, Vandemere, aux intentions crapuleuses.

Le film présente un scénario classique en 3 actes, avec des images d’ouverture sublimes qui mêlent lumière, fumée, et l’acteur fétiche du cinéma, le train. Ici, le lever du soleil et le train exposent le début de la journée, et l’arrivée de deux personnages, Dumbo et Holt Farrier. La première séquence est donc composée aux moyens d’outils cinématographiques qui ont fait leurs preuves. Et c’est sur cette tendance classique que le scénariste, Ehren Kruger, adapte le scénario de 1941, tiré de l’histoire éponyme de Helen Aberson (1939).

Tim Burton ou Ben Sharpsteen ?

Tim Burton et Ben Sharpsteen n’ont rien à envier l’un à l’autre. Tous deux livrent des Dumbo charmants et attendrissants. Bien entendu, l’adaptation contemporaine comporte quelques différences par rapport à sa première version, dont Burton ne s’éloigne pas mais qu’il modernise. Sharpsteen et son coréalisateur, Norma Ferguson, présentent une vision naïve, tandis que le créateur de The Nightmare Before Christmas (1993, Henry Selick) appose sa marque dramatique car il s’adresse à une génération concernée par la réalité qui l’entoure. Il le sensibilise en lui livrant un message : l’animal est l’égal de l’homme.

Les scénaristes de 1941 n’ont pas ce double message à transmettre, au contraire de Ehren Kruger. Ce dernier met alors le facteur humain au même plan que celui animal. La libération de l’éléphant n’est possible qu’à travers une aide humaine car c’est l’Homme qui enferme l’animal. Ainsi, Burton met la lumière sur les humains, dans une caractérisation manichéenne, tandis que Sharpsteen et Ferguson se contentent d’anthropomorphiser les animaux.

Aussi, les nouvelles adaptations scénaristiques ajoutent plus d’enjeux que le scénario original. Cependant, l’essence de l’histoire est la même et les péripéties sont revisitées de manière plus actuelle.

Enfin, nous remarquons une différence visuelle entre les deux versions. Le premier est un film d’animation, tandis que le second mélange images réelles, effets spéciaux et images animées. Mais, n’ayez crainte, le charme opère aussi bien en 1941 qu’en 2019.

Tout comme sa première version, Dumbo s’inscrit dans la veine Disney et émeut son public, à l’aide d’une bande son et des thèmes musicaux poignants, composés par Danny Elfmann. L’émotion est donc suscitée par la musique, mais aussi par la narration.

Une narration qui est mise en valeur par des effets spéciaux, réalisés avec une extrême beauté et un grand amour pour l’image et sa synthèse. Le mérite revient à Moving Picture Company, Framestore et Rise FX, qui ont fourni un travail colossal et précieux. Tim Burton a probablement reconnu l’utilité non négligeable des VFX. Le réalisateur est en effet connu pour son utilisation minimale de ces effets, auxquels ils préfèrent décores et animation manuelle. Et pour cause, c’est cette dernière qui permet au jeune Tim Burton de faire son entrée dans le monde du cinéma et de Walt Disney.

(R)évolution d’un réalisateur fantastique et les studios du classicisme

Tim Burton nait en 1958 à Burbank où siègent les studios Disney. Il fait des études d’animation à la California Institute of Arts, qu’il clôture avec un film de fin d’année : L’Attaque du Céleri monstrueux, grâce auquel il est embauché chez Disney en 1979. Mais après deux réalisations, il quitte les studios d’animation en 1984, et travaille avec la Warner Bros. dès l’année suivante. Il y rencontre son compositeur officiel Danny Elfman qui participera au succès de ses films, ainsi que son acteur favori, Johnny Depp. Il reste à la Warner Brothers une grande partie de sa carrière et y réalise plusieurs chefs d’œuvre, comme Batman (1939, primé par l’Oscar de la meilleure direction artistique) ; Edward Scissorhands (1990) ; et Charlie and the Chocolate Factory (2005). Au cours de ces années, Burton se fait un nom dans le genre fantastique qu’il révolutionne.

En 2010, alors que Mitterrand le décore "chevalier et officier de l’ordre national des Arts et des Lettres", le réalisateur retente une association Burton-Disney et tourne une nouvelle version d’Alice in Wonderland. Bien que l’opinion publique soit mitigée, c’est un grand succès commercial. Alors, pourquoi ne pas recommencer et faire un nouveau remake ?

Un remake avec un casting composé d’acteurs formidables, mais qui offrent une performance non convaincante. Nous retrouvons Eva Green, Colin Farell (Holt Harrier), Dany De Vito, et Michael Keaton (Vandemere). Un casting qui aurait pu être explosif, mêlée à un génie de la réalisation, et utilisant une recette connue. Tout est réuni pour faire une adaptation digne de ce nom. Or, je sors de la salle de projection avec un léger regret. Peut-être avais-je besoin de voir de nouvelles têtes ; des acteurs qui, encore passionnés, incarnent leur personnage et transcendent l’écran.

Ceci dit, Disney n’a pas encore dit son dernier mot. Je vous rappelle qu’il prépare une année en 4 actes. Le premier acte commence ce 27 mars prochain, sur grand écran.

Sat Gevorkian