Drame sentimental
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UN COUPLE PARFAIT

Nobuhiro Suwa (France/Japon 2005 - distributeur : Imagine Film Distribution)

Valeria Bruni-Tedeschi, Bruno Todeschini

104 min.
2 août 2006
UN COUPLE PARFAIT

Un couple parfait est-il ipso un couple-modèle ? Celui qui, pour autrui, est un gage de réussite et qui dès lors surprend lorsqu’il se défait ? 

Nicolas est architecte, Marie photographe. Ils vivent ensemble depuis 15 ans. Lors d’un voyage à Paris pour assister à un mariage, il fait part à leurs amis de leur décision de se séparer. Elle aurait préféré garder le trébuchement de leur relation secret.

L’approche par Nobuhiro Suwa de ce couple en crise est singulière et magnifiquement souple oscillant - en jazz on aurait dit balançant - entre plans séquences et plans fixes, entre scènes vides et scènes pleines. Un peu comme si Sowa, tentait de suppléer par une technique instinctivement d’aplomb le douloureux déséquilibre qui se creuse entre Marie et Nicolas.

Tourné en onze jours avec une petite caméra portable et basé apparemment sur l’improvisation de ses acteurs principaux (tous deux exprimant avec justesse la lasse vulnérabilité de ceux dont l’union est en train de se dessouder), « Un couple parfait » repose néanmoins sur de solides racines cinématographique dont il est en quelque sorte une réécriture moderne (Rossellini « Voyage en Italie », Antonioni « La Nocche », Bergman « Scènes de la vie conjugale ».)

Suwa a, avec le temps et avec l’espace, une relation telle qu’elle lui permet de caractériser l’état de flottement de ceux qui vivent un moment d’intensité amoureuse, peu importe que ce moment soit en train de se consolider (comme dans « Vendredi » de Claire Denis) ou de s’effriter.
Le temps devient une notion susceptible d’étirement infini et rend palpable l’épuisement physique et moral de ses acteurs au-travers de mots qui butent, de corps qui tentent de se retrouver et de regards fatigués.

L’espace, comme le temps, est magistralement orchestré.
Tantôt il allège l’enfermement du couple par des échappées vers l’extérieur : la lumière du Musée Rodin, l’apaisante pénombre des cafés.
Tantôt il conforte le couple dans un confinement sans issue, celui d’une chambre d’hôtel dont la disposition en deux champs distincts mais néanmoins réunis par une porte (ouverte ou fermée selon le besoin d’autonomie des protagonistes) cerne la mélancolie de la rupture en train de s’opérer sous nos yeux.

La dernière scène rappelle, par son questionnement ultime, que le mystérieux et l’inattendu sont inhérents à la vie de couple. Et que s’il arrive à celui-ci de vaciller, ce n’est pas pour cela qu’il est nécessairement voué à se rompre. (m.c.a)

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