Drame familial
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

JE VAIS BIEN, NE T’EN FAIS PAS

Philippe Lioret (France 2006 - distributeur : Cinéart)

Mélanie laurent, Kad Merat, Isabelle Renauld, Julien Boisselier, Aïssa Maïga

100 min.
8 novembre 2006
JE VAIS BIEN, NE T'EN FAIS PAS

Quelle dérision contenue dans ce titre !
Chez les Tellier rien ne va. Contrairement à la maison du même nom célébrée par Maupassant et Renoir pour sa générosité et sa chaleur. Dans un pavillon de banlieue, proprette et standardisée - rien à voir avec celles incendiées ces derniers temps en France – se déroule un drame. Un de ces drames familiaux silencieux qui tue aussi sûrement mais plus lentement que du poison.

Elise a 18 ans. Elle rentre d’un voyage à Barcelone. Elle apprend que son frère jumeau Loïc a brutalement quitté le domicile parental après une violente dispute avec son père. Bouleversée, Lili glisse dans la dépression et l’anorexie à la fois soutenue et abandonnée à son sort par des parents trop empêtrés dans leur mal-être pour être réellement présents.

Inspiré du beau roman d’Olivier Adam, qui a participé à l’élaboration du scénario, « Je vais bien… » évoque avec gravité le thème de l’absence d’un être aimé et les conséquences pathologiques qui peuvent en résulter pour ceux qu’il a laissés.

Deux points forts dans ce film.
D’abord l’interprétation magnifique de chacun de ses protagonistes et notamment celle de la jeune Mélanie Laurent qui vient de recevoir le prix Romy Schneider 2006. Est-ce parce qu’elle a suivi les conseils (*) que lui a donnés Gérard Depardieu qui l’a dirigé dans son premier rôle dans « Un pont entre deux rives » que cette jeune femme semble jouer, d’instinct, juste, comme un musicien peut jouer à l’oreille.
Elle arrive à la fois à donner l’impression d’une énergie quasi palpable dans son envie de sortir son père de son mutisme, de soutenir le chagrin de sa mère et d’une extrême fragilité dans l’expression de son désespoir intime.

Ensuite la palette délicate, plus allusive qu’explicative, des regards de Lioret sur une famille dont chacun des membres doit, s’il veut surmonter son chagrin, se reconstruire et se définir autrement par rapport à l’absent et par rapport à ceux qui restent.

En trame secrète et jamais dite de ce film, semblable à la ligne de force souterraine d’une plaque tectonique dont la fracture à tout moment peut engloutir ceux qui s’y trouvent, un constat sur nous, vulnérables humains qui avons, chacun, notre façon d’aborder le deuil et le travail qui s’ensuit pour en sortir.

Un chemin qui parfois frôle l’incrédible, la folie, l’impensable et qui trouve sa logique dans le fait qu’émerger d’un nœud d’émotions relève du mystère, du non dit autant que de l’exprimé et du montré.   Les "Petits arrangements avec les morts" évoqués par Pascale Ferran dans son beau film de 1994 restent d’actualité. (m.c.a)

(*) « Souviens-toi de ces trois règles : ne t’inscris jamais à un cours, n’apprends jamais ton texte à l’avance et ne crains pas le ridicule » (Voir « Première » septembre 2006 page 29)