Comédie stylée
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INCONSCIENTES

Joaquim Oristrell (Espagne 2004 - distributeur : CNC)

Leonor Watling, Luis Tosar, Alex Brendemühl

108 min.
7 février 2007
INCONSCIENTES

Dans sa biographie « Freud, une vie », Peter Gay rappelle que le père de la psychanalyse, lorsqu’il avait besoin de se détendre, lisait volontiers des romans policiers.

Rien d’étonnant donc que Joachim Oristrell ait eu envie de doubler l’aventure de la cure analytique d’une enquête policière.

Une jeune femme décide, lorsque son époux psychiatre qui fut un temps l’assistant de Freud à Vienne disparaît, de faire appel à son beau-frère, psychiatre lui aussi, pour le retrouver. Les deux apprentis détectives ne disposent que d’un seul indice : un manuscrit contenant des notes sur quatre cas d’hystérie féminine.

Emportés par un irrépressible besoin de savoir, ils vont renouer avec les délices anxiogènes de la pulsion d’investigation infantile à savoir s’interroger sur les questions tabous que sont le sexe, la vie et la mort.
Cette pulsion, qui défend la fantaisie et l’élucubration contre les rigueurs de la morale, rencontrera néanmoins sa propre force d’inertie (qui devient alors le vortex de l’intrigue) : l’énigmatique ambivalence de vouloir à la fois résoudre le mystère et rester dans le plaisir de l’ignorance.

Ces questions existentielles puisent leur pesant de burlesque dans fait que l’action se passe à Barcelone en 1913 à une époque où les théories freudiennes peinent à s’imposer dans une société corsetée de rigidité et de sexualité refoulée.

A ce verrouillage répond, en retour du refoulé, une exubérance artistique faite de volutes et rondeurs, symbolisée par les formes débordantes de l’Art Nouveau.
Confrontation opportunément saisie par le cinéaste dont le regard va trouver dans les réalisations de Gaudi les indispensables dérives sublimatoires à l’enfermement du sexuel dans le silence.

Ce n’est pas la première fois que le cinéma fonde en une même quête, celle de la vérité plus que de la réalité, les moyens de recherche propres aux disciplines que sont la psychanalyse et l’enquête policière (**) mais c’est la première fois qu’il le fait avec cette élégance (la reconstitution des décors et vêtements d’époque est épatante) pimentée de charme et d’ironie.

Leonor Watling (l’Alicia du « Habla con ella » d’Almodovar) est rayonnante. Ne pas s’en rendre compte est une preuve d’inadmissible…inconscience (m.c.a)

(*) ed. Hachette p.191
(**) dans « Sherlock Holmes and the leading lady » de Peter Sasdy, Sigmund Freud et le detective oeuvraient ensemble à la résolution d’une énigme.