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Coup de coeurFAITH’S CORNER

Darrell James Roodt (Afrique du Sud 2005 - distributeur : La Cinémathèque)

Leleti Khumalo, Thobani Khubeka, Sibonelo Xulu

81 min.
6 juin 2007
FAITH'S CORNER

Si « Faith’s corner » bouleverse, c’est parce qu’il est sans surenchère.
Dénonciation digne d’une indignité qui gangrène, de façon galopante comme celle du sida, des coins trop nombreux de la planète : l’extrême pauvreté.

Faith et ses deux fils n’ont pas d’argent, pas de maison, pas de quoi manger tous les jours. La nuit, ils squattent une vieille voiture, cachée des prédateurs - car au pays de la misère il y toujours plus malheureux que soi – par une toile en plastique qui a le bleu d’un ciel dans lequel, il y a longtemps, qu’ils n’ont plus déchiffré un signe de bienveillance à leur égard.

Le jour, ils occupent un bout de bitume au pied d’un feu de signalisation à Johannesburg. La mère mendie, les enfants jouent ou somnolent. Invisible, injuriée, méprisée, Faith supporte tout, juste portée par l’amour qu’elle porte à ses petits et par sa tenace détermination à leur éviter de mourir de faim.

C’est avec de la pellicule usée, une caméra qui l’est tout autant, que Darrell Roodt a filmé avec une rage calme ce portrait d’une mère courage qui trouve dans le geste le plus inexpiable - l’abandon - l’espoir pour ses garçons d’un avenir meilleur.

Pour elle, cet acte de générosité sera le point de départ d’une déchéance dont, la dernière image intensément poignante, sera le seul moment d’allégement par rapport à un destin qui réserve à certains, sans qu’ils aient démérité, des épreuves que le cinéma évite la plupart du temps de montrer dans leur nudité révoltante.

Comme si la misère n’était acceptable qu’amplifiée, émotionnalisée ou esthétisée.

L’absence de dialogues - l’histoire n’est contée qu’au travers d’inserts cartonnés comme au temps du muet - confère au film une fierté, une pudeur qui renforce sa valeur dénonciatrice.

L’interprétation minimaliste de Leleti Khumalo, les sourires de ses fils qui soulignent, par leur imprévue rareté, la détresse de leur regard, la musique en boucle de Philip Glass donnent à ce « Faith’s corner » une énergie insoupçonnée.

Transfusant au spectateur une envie de botter ce monde mal foutu et injuste.

Il y a bien des façons d’être scélérat. Celle, décrite dans ce film, de fermer sa fenêtre à celui qui réclame, la main tendue, une modeste aumône en est une. Le mérite éthique de « Faith’s » est de nous le rappeler sans le dire.

Dans son annuel « Atlas », le hors-série 2007, les Cahiers du Cinéma rappellent que le 7ème art d’Afrique du Sud, s’il a l’aval de la critique, manque de public. CinéFemme, consciente de ce hiatus, a tenté, avec les moyens qui sont les siens, de le combler en proposant, en coup de cœur de février 2006, l’efficace « Tsotsi » de Gavin Hood.

C’est bien mais ce n’est pas suffisant. Pour exister sur le long terme, cette initiative collective doit être relayée au niveau personnel. Vous avez trois semaines pour aller voir « Faith’s » à Flagey. Soit 21 opportunités. Essayez d’en saisir au moins une. Vous aiderez à la fois un cinéma qui le vaut bien et vous élargirez votre vision sur l’état d’un monde, moins désespéré que certains le prétendent. Mais plus difficile que la plupart ne le disent. (m.c.a)

(*) dénoncée par Roodt dans son film précédent "Yesterday"