Documentaire
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Coup de coeurMANUFACTURED LANDSCAPES

Jennifer Baichwal (Canada 2006 - distributeur : ABC Distribution)

Edward Burtynsky

80 min.
17 juin 2007
MANUFACTURED LANDSCAPES

La contingence des photos confirme que tout est périssable. Que le monde du passé ou du présent ne sera plus celui de l’avenir.

Leo Mirkine a placé son travail, lorsqu’il photographiait les stars de cinéma, sous l’égide d’un aléatoire moto « deviner que ce qui semble aujourd’hui sans importance sera l’histoire de demain. »

Edward Burtynsky semble, a priori, n’avoir aucun point commun avec Mirkine. Il s’intéresse aux paysages industriels et aux liens qu’ils entretiennent avec la nature. La figure humaine occupe, dans ses œuvres, une place inexistante.

Et pourtant ce qui émerge en filigrane, de ses clichés à la beauté épurée, c’est un constant questionnement sur l’homme et la modernité du dilemme qui le prend en étau entre son désir d’une vie meilleure et le prix à payer pour le satisfaire.

Le documentaire de Jennifer Baichwal suit le photographe lors d’un voyage en Chine. En témoin discret, elle l’accompagne, avec le cinématographe Peter Mettler, dans son projet de dresser le portrait d’un pays en pleine évolution - en plein essor aiment dire les économistes.

Le regard de Burtynsky est engagé. Ses sujets d’élection (*) ne sont pas neutres, ils sont repérés
parce qu’ils participent d’un prise de position, qui par son absence d’idéologie ou de moralisme apparents, dénonce bien plus rudement qu’un discours polémiste, les ambivalentes relations entre
une technologie de plus en plus avancée et les traces laissées par celle-ci sur une terre vidée peu à peu de ses ressources naturelles.

Est-ce d’avoir intégré, enfant, la présence des usines General Motors de son Ontario natal, que Burtynsky sait rendre, avec une fascinante poésie, la mélancolie des gigantesques sites industriels tout en faisant prendre conscience au spectateur qu’il a une place à prendre dans le tableau ?

C’est à lui de décider s’il veut un accroissement de bien-être axé sur une consommation de plus en plus effrénée ou s’il choisit de se souvenir que la terre, il ne la possède pas. Qu’il n’en est que dépositaire pour la transmettre à ses descendants.

A la lumière de deux films récents, « Still life » de Jia Zhangke et « La stella che non c’è » de Gianni Amelio, qui soulignent la violence de l’entrée d’un pays émergeant, la Chine, dans
le miroir aux alouettes du libéralisme sauvage, on peut se demander si le choix à effectuer sera celui du bon sens…

« Manufactured landscapes » a reçu, de l’association des critiques de cinéma de Toronto, le prix du meilleur film canadien et du meilleur documentaire 2006 (m.c.a)

(*) chantiers navals, carrières, mines, usines, champs pétrolifères ….