Niaiserie
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IKLIMER (Les climats)

Nuri Bilge Ceylan (France/Turquie 2006 - distributeur : Imagine Film Distribution)

Ebru Ceylan, Nazan Kirilmis, Nuri Bilge Ceylan

101 min.
29 août 2007
IKLIMER (Les climats)

De l’usage des saisons comme métronome des sentiments.
Si l’idée n’est pas neuve « Lady Chatterley et l’homme des bois » de Pascale Ferran, « Printemps, été, automne, hiver et… printemps » de Kim-Ki Duk, « Three seasons » de Tony Bui, son efficacité poétique est et demeure universelle.

Baudelaire est à la recherche de correspondances pour ses sensations, Rimbaud de couleurs pour ses voyelles. Bilge Ceylan, lui, recherche les gestes, les expressions, les attitudes qui, par leur secrète crispation, scandent les accordailles ou les éloignements d’un homme et de deux femmes. Son épouse et sa maîtresse.

Film presque silencieux , film-épure, « Iklimer » est un fascinant portrait d’êtres saisis dans leur complexité égoïste, violente et manipulatrice et qu’une incapacité à communiquer, à la fois, mure dans une identique solitude et soude par une même douleur.

Cinéaste mais aussi photographe et monteur, Bilge Ceylan fascine et sidère par l’évidence de ses mouvements de caméra contemplatifs, la sensualité de ses plans séquences et son insistance à ne saisir, des corps et des regards, que l’essentiel.

Dans « Iklimer », s’aimer n’est plus possible. Se séparer fait mal. Se retrouver est un leurre.
Comment rattraper un amour qui s’en va quand les mots se dérobent pour tenter de le ressaisir ?

Bilge Ceylan connaît bien le cinéma d’Antonioni, de Bergman et leurs thématiques faisant de l’incompréhension la nœud des relations humaines. Il connaît aussi celui d’Ozu et de Kiarostami et leur intelligence à faire de l’espace un allié de la narration.

Dans « Ikilmer » les cadres sont magnifiques. Gorgés d’une puissance expressive qui donne une présence à ce film lent et lui évite (parfois de justesse) un narcissique questionnement.

Le collement des rôles de réalisateur et d’acteur donne à la fin du film une intéressante ambigüité.

Parce qu’elle autorise le spectateur à se demander si l’impuissance des époux à communiquer n’est pas aussi le reflet d’une interrogation de cinéaste sur une possible impasse d’un processus commencé par « Nuages de mai » et développé dans « Uzak » et consistant à décrire, avec un minimalisme millimétré, les écarts entre un espoir et sa réalisation.

Sorte d’aède moderne, Bilge Ceylan est aussi un subtil aquarelliste des blessures secrètes qui unissent autant qu’elles éloignent.

Reconnu par le Festival de Cannes qui lui a donné en 2004 le grand prix pour « Uzak » et défendu dans le hors-série de mai 2007 du magazine Positif en tant qu’injuste oublié du palmarès du même festival 2006, il contribue à hisser le cinéma turc, souvent embrumé par son affligeante médiocrité nationalo-commerciale, au niveau de cette nouvelle et exigeante qualité à laquelle participent les 7ème art roumain, allemand et israélien. (m.c.a)