Coup de coeur
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Coup de coeurTHE WRESTLER

Darren Aronofsky (USA - distributeur : Imagine Film Distribution)

Mickey Rourke, Marisa Tomei, Rachel Evan Wood, Mark Margolis

107 min.
11 février 2009
THE WRESTLER

Tout part d’un corps. Membres musclés à outrance. Peau tannée, marquée d’une infinité de cicatrices. Chevelure blonde platine qui s’étale étrangement sur des épaules trop massives. Ce corps qui se meut avec difficulté. Scandé par un souffle bovin, par des gémissements soudains. Ce corps qui pourtant monte sur le ring avec une souplesse insoupçonnée. Et se lance dans le combat comme dans une danse sensuelle. Avec précision et ardeur. Le corps d’un catcheur.

C’est sur lui que commence « The Wrestler », c’est sur lui qu’il se terminera. Sur le corps de se sportif divertisseur de foule, qui se pose à l’écran comme un parchemin, carte de vie d’un homme qui a consacré sa vie à la lutte. Qui n’est plus à même que de faire cela.

Il est totalement fascinant de voir comment Darren Aronofsky porte ce corps à l’écran. La façon dont il le suit sans le traquer, dont il capte ses moindres mouvements sans les surprendre. Ces longs suivis du dos de Randy The Ram, déplaçant sa carcasse meurtrie comme il traine son désarroi. La révélation de son désespoir par la monstration de son être physique.

Darren Aronofsky, dont c’est le quatrième long métrage, parvient une fois de plus à surprendre. A milles lieux de « Pi », « Requiem For A Dream » ou encore « The Fontain », le réalisateur propose ici le portrait d’un homme. Un portrait simple et dépouillé de l’état d’un homme vieillissant, sans effet ni scène édifiante comme on pouvait en trouver dans ses précédents films.

Darren Aronofsky fait preuve d’une réalisation en tout point réussie, qui parvient à rendre le vécu de Randy the Ram dans tout ce qu’il a de réel et de triste, sans à aucun moment sombrer dans le pathos. Utilisant à plusieurs reprises la caméra à l’épaule, il ne tombe pas pour autant dans une captation purement documentaire. Il arrive à trouver l’entre deux pertinent pour suivre Randy, pour rendre limpide son mal de vivre, sa difficulté à trouver sa place comme son énergie du désespoir. L’intelligence d’Aronofsky se situe dans la pudeur extrême qu’il déploie pour appréhender son personnage.  

C’est ce respect qui permet au spectateur d’entrer en empathie avec le personnage. D’immédiatement être fasciné par ce corps mutant, vieillissant, parodie déformée du sculptural. D’être instinctivement touché par cet homme qui se débat comme il peut avec sa vie comme avec ses adversaires, la tête haute malgré ses hontes, la volonté en avant malgré ses blessures.

Un personnage qui fait étrangement écho au vécu de l’acteur qui l’incarne. Mickey Rourke est éblouissant de sincérité. Il joue sans aucun doute avec ses tripes, avec sa propre histoire qu’il insuffle à son personnage. C’est ce qui lui donne son ampleur comme sa justesse désarmante.

Darren Aronofsky a su trouver le bon comédien pour donné vie à son protagoniste, comme il l’avait d’ailleurs déjà fait pour ses réalisations antérieurs. Il a ce talent de directeur d’acteur qui époustoufle, comme cette capacité à réaliser juste, que ce soit lorsqu’il fait l’adaptation d’Hubert Selby, quand il réalise un essai métaphysico- futuriste sur le deuil[1], ou quand il dresse le portrait d’un catcheur sur le retour. Un talent qui ne cesse d’émerveiller. Et qui émeut une fois de plus avec « The Wrestler ». (Justine Gustin)

[1] « The Fontain »