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MICMACS A TIRE-LARIGOT

Jean-Pierre Jeunet (France - Distributeur Cinéart)

Dany Boon, André Dussollier, Yolande Moreau, Julie Ferrier, Omar Sy, Dominique Pinon, …

105 min.
28 octobre 2009
MICMACS A TIRE-LARIGOT

«  C’est de la récup ! »

En grande partie, la nouvelle œuvre de Jean-Pierre Jeunet pourrait être emblématisée par ce slogan.

Après presque une demi décennie d’absence sur nos écrans, le cinéaste opère un retour remarquable avec un film où les références foisonnent, pour le plus grand plaisir du spectateur. D’ailleurs, « Micmacs à Tire-larigot » plante d’emblée son caractère ludique assumé, notamment en intercalant au cours de ses premières minutes les mots « The End » en guise de clin d’œil stylistique.

 

Comme dans « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain », le hasard occupe une place centrale dans l’histoire et une naïveté marquée émerge des personnages. Comme dans « Delicatessen » (1), le saugrenu règne.

Le décor est planté dès les premières images : la vie de Bazil est à deux reprises bousculée par les armes. Une première rencontre l’a rendu orphelin, une seconde l’oblige désormais à vivre avec une balle logée dans le crâne. Doux rêveur se retrouvant sans domicile, il est recueilli par une bande de ferrailleurs originaux, chaque membre ayant une spécificité bien à lui. Ces derniers vont d’ailleurs mettre leurs talents en œuvre pour l’aider à donner une leçon aux fabricants d’armes qui ont chamboulé son existence. A partir de ce point, le récit regorge de péripéties diverses où chacun, acteurs et cinéaste, s’en donne à cœur joie.

D’ailleurs, comme à son habitude, Jean-Pierre Jeunet met tout son talent à l’œuvre pour donner vie à des personnages hauts en couleur. Ces derniers ne manquent pas de laisser une empreinte durable dans les esprits. Le pari (réussi) du réalisateur est, selon ses propres termes, de présenter une série de « gens singuliers, en marge, un peu simplets ».

Ici, Dany Boon confirme sa capacité à créer l’empathie avec un personnage qui, principalement au moyen d’une gestuelle et de mimiques hautement expressives, fait passer un panel de ressentis exprimés sous les formes les plus diverses. Mention spéciale à Julie Ferrier qui mêle flexibilité, spontanéité et drôlerie en ajoutant une touche de féminité bien à elle.

Aussi, comme il l’a fait dans ses œuvres précédentes, Jean-Pierre Jeunet propose un univers coloré et esthétisé où la patte personnelle du cinéaste transparaît à chaque image. Cette fois, les vieux bibelots (des jumelles aux voitures en passant par les micros encombrants) coexistent avec la technologie de pointe des aéroports et l’omniprésence des moyens de communication. Le choc entre les époques et les styles crée un savoureux mélange, auquel la prolifération des possibilités communicationnelles ne fait qu’ajouter un contraste supplémentaire, celle d’un monde de l’ici et maintenant en décalage avec l’univers dans lequel évolue la « bande » de Tire-Larigot.

Dans le même esprit, le recyclage de références couvre une diversité cinématographique étonnante – de « Toy Story » à « Mission Impossible » (l’inoubliable faux-voyage dans le désert est un régal) en passant par le dessin animé (celui de Tex Avery), le film noir (« Le Grand Sommeil ») ou le cinéma muet (la touche chaplinesque). Cette référentialité se mêle en un puzzle servant à merveille la vision d’un monde qui a conservé une part d’enfance.

En dernier lieu, l’une des plus belles réussites du film est sans doute le jeu savoureux avec la langue française, qui en voit de toutes les couleurs et n’en ressort que grandie. Ce dernier trait découle sans conteste de l’affection profonde que le réalisateur voue au bricolage en tout genre, affection qui ressort également dans la création d’un tas de ferrailleries reconverti en foyer chaleureux pour la troupe entière.

Devant un tel film, il est indéniable qu’acteurs et réalisateur se font plaisir, ce qui s’avère communicatif et permet de se laisser happer, la durée du film, dans un univers de pure loufoquerie.

(Ariane Jauniaux)

 

(1) « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » (2001), « Delicatessen » (1991, coréalisation avec Marc Caro)