Parviz Shakinkhou, Maryam Hamid, Nessim Kahloul
En Occident les princesses se regardent dans le miroir et se questionnent pour savoir qui, d’entre elles, est la plus belle. En Orient les princes regardent leurs âmes pour y puiser grandeur et connaissance.
Cette différence n’est pas insigne. Elle fonde deux approches du monde difficilement réconciliables. Justifiant peut-être, par l’importance qu’elles accordent à l’extériorité ou l’intériorité de l’individu, la course à l’apparence des uns et le mépris du corps qu’on n’hésite pas à mortifier de dynamite des autres.
Michel Ocelot, le Français, dans sa fable magiquement belle, « Azur et Asmar », réconcilie Occident et Orient en dénouant les préjugés des deux civilisations.
Dans « Bab’Aziz, le Tunisien Nacer Khemir (*), soutient la médiation possible des cultures du Nord et du Sud par une présentation poétique de la philosophie arabe qu’il développe, avec flamboyance, dans ses mille et unes facettes d’âme et de tolérance. Voulant manifestement compenser l’image d’un Islam gauchi par un réducteur fondamentalisme.
Dans un désert blond et lumineux, une petite fille guide son grand-père aveugle à la grande réunion des derviches qui a lieu tous les trente ans.
A la fois route de sable et chemin d’initiation, leur voyage sera l’occasion de plonger au cœur d’un pays riche de contes, de croyances, de danses et de chants avec un hommage au maître contemporain du qawwali - un genre musical soufi - : Nusrat Fateh Ali Khan
Il y a dans « Bab’Aziz … » quelque chose - est-ce un tempo (lent), une couleur (vagabonde), un mystère (jamais réellement soulevé) ? - qui rappelle le Jacques Lacarrière de « La poussière du monde » (**), cet étourdissant voyage au cœur d’un homme, Yunus Emré, derviche errant et poète troubadour à la recherche de ce qui échappe à la raison humaine.
Irradié de pouvoirs miraculeux et de prodiges, l’histoire est parfois décousue et inutilement complexe. Elle est aussi, souvent, pesante d’esthétisme trop présent et de sagesse appuyée.
Mais elle est, avant tout, envoûtante et aride à l’image d’un désert vécu comme une épreuve pour quiconque aspire à dénuder son âme.
Ensorcelante et sans réponse évidente comme cette question posée par le plus célèbre des poètes arabes classiques, Djalal ed-Din Rûmi, dans un de ses courts impromptus :
« Un oiseau s’est posé sur le sommet de la montagne.
Puis il s’est envolé.
Qu’est-ce que la montagne a perdu ?
Qu’est-ce que la montagne a gagné ? » (m.c.a)
(*) aussi conteur, illustrateur et musicien
(**) éditions « Nil »