Ados en toute liberté
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

BLINDSIGHT

Lucy Walker (GB/USA 2007 - distributeur : ABC distribution)

Gavin Attwood, Dachung Tashi Pasang, Sonam Bhumtso

104 min.
30 janvier 2008
BLINDSIGHT

Le 29 mai 1953, Edmund Hillary et son sherpa Tensing Norgay sont les premiers à gravir le sommet de l’Everest.

Le 25 mai 2001, Erik Weihenmayer renouvelle cet exploit auquel il apporte une nouvelle envergure. Parce qu’il est aveugle.

Il consigne son expérience dans une autobiographie, « Touch the top of the world » que lira Sabriye Tenberken qui a fondé, à Lhassa, la première école braille pour jeunes aveugles tibétains.

Elle l’invite à venir partager le récit de son exploit avec ses élèves. Visite dont, pour elle, l’objectif est évident : soutenir, en chacun de ses étudiants, un sentiment de confiance en eux et dans la vie. Sentiments qui manquent à la plupart d’entre eux, élevés dans une société qui assimile la cécité à une sanction karmique qui les condamne souvent à être abandonnés par leurs familles.

Erik en acceptant cette invitation poursuit un autre but. Entraîner six adolescents dans une expédition sur les pentes du Lhakpa Ri.

Film attachant par les histoires propres à chacun des participants à cette aventure hors du commun et visuellement (sans jeu de mots) majestueux - le travail photo (*) est à l’égal de l’ivresse des montagnes : grisant - « Blindsight » n’est pas une énième déclinaison du film d’ « aventures-en-montagne » à la façon de « Touching the void » de Kevin Macdonald ou « Cliffhanger » de Renny Harkin.

Il est une réflexion sur la sourde lutte qui s’installe entre des adultes qui mus, par un but et un esprit différents, en viennent à prendre les adolescents en tenaille.

Que doivent faire ceux-ci pour satisfaire leurs « mentors » ? Lutter pour arriver au sommet comme le souhaite Erik ou considérer que cette expédition est une expérience humaine comme le veut Sabriye.

Il suffirait de peu pour que ces conduites deviennent les paradigmes de deux attitudes difficilement conciliables : d’un côté l’entreprise concrète qui doit mener au succès - la vision américaine de la vie - et de l’autre la voie vers une connaissance de soi et du monde - la vision bouddhiste de l’existence.

De la frustration à l’exaltation, du doute à l’aplomb, de la manipulation pédagogique à l’idolâtrie sportive, la réalisatrice ne fait l’impasse sur aucune des réactions engendrées par des conditions hors du commun qui obligent autant à affronter les forces de la Nature que celles, plus intimes, cachées en chacun de nous.

Sa vision est celle d’une documentariste (**) qui n’a pas oublié que voir (***) n’est pas qu’une question de sens mais aussi de conscience.

« Blindsight » a obtenu au festival de Berlin 2007 le prix du public. (m.c.a)

(*) Dû à Michael Brown, Petr Cikhart, Keith Partridge et Mahyad Tousi.
(**) Espérons que nous aurons l’occasion de voir son travail sur les jeunes Amish « Devil’s playground » 
(***) Le titre du film fait allusion à une forme de cécité corticale qui permet de recevoir des informations sensorielles sans savoir comment correctement les traiter. Contrairement à l’aveuglement-blindness qui est, lui, une absence de perceptions visuelles. Peu pourvu d’humeur, « Blindsight » ne fait pas allusion, malgré le décor, à la « Snow blindness »…