CORSAGE

Cassant le mythe mièvre de la Sissi incarnée par Romy Schneider dans les années 50, Marie Kreutzer revisite à sa manière, à l’aune d’un féminisme radical, un pan de l’existence de l’impératrice Elisabeth d’Autriche. Qu’est-ce qui se trame sous le protocole et la magnificence ? Corsetée au propre comme au figuré, esclave d’une série de rites, obsédée par une beauté à conserver, comme une sorte de capital garant de sa légitimité, Elisabeth navigue entre jouissance des privilèges et envie de rébellion. En fumeuse compulsive, elle semble narguer une société figée dans ses traditions. Voyages multiples, ébauches de relations amoureuses, comme autant d’échappées belles… Gros plans sur le visage de l’impératrice, magistralement interprétée par Vicky Krieps, et vues plongeantes sur les cérémonies rituelles, où chaque personnage est à sa place immuable, comme une métaphore de l’ordre social. Marie Kreutzer met à nu toutes les contradictions : Elisabeth opprimée, sans aucun pouvoir réel, mais aussi, dans l’univers domestique, tyrannique à son tour.
Au-delà de l’analyse pointue d’une condition féminine spécifique, quelques séquences nous fascinent par leur étrangeté ou simplement leur beauté : la visite à l’asile psychiatrique , comme une vision insoutenable de la démence, une rencontre, fictive bien sûr, entre Elisabeth et un pionnier du cinéma qui fait entrevoir déjà toute une magie, et l’image finale, tragique et brève, de toute beauté…

Tessa Parzenczewski