Josef Ostendorf, Charlotte Roche
S’appeler Eden est-ce un gage de détenir les clés du Paradis ?
Pas sûr.
Elle, Eden, est une jeune femme mal accompagnée par un mari peu soucieux de la comprendre. Elle a une petite fille atteinte du syndrome de Down.
Lui, ne vit que pour son restaurant et sa cuisine réputée pour satisfaire les papilles et ouvrir les émotions. Ces émotions qui vous donnent envie de tomber amoureux et de soupirer de bien aise.
Entre eux, a priori peu de choses si ce n’est le hasard qui veut qu’un jour, il prépare pour l’enfant un cake au chocolat.
Le cinéma aime les films culinaires. Les repas qui y sont préparés ne sont pas que conviviaux (« Le festin de Babette » de Gabriel Axel), ils peuvent être cannibales avec Claire Denis ("Trouble every day"), vengeurs avec Greenaway (The cook, the thief his wife and her lover), suicidaires avec Ferreri (« La grande bouffe »), politiques (« Le souper » de Molinaro), dénonciateurs (« Festen » de Vinterberg) ou érotiques (« Tampopo » d’Itami).
Chez Hofman, on est plutôt dans une exploration relationnelle de la nourriture. Celle qui permet de créer des liens entre les individus ou de se réconcilier avec une image négative de soi.
Sans poser sur l’acte de manger le regard profanateur des Monty Python dans « Meaning of live »), le cinéaste, qui est aussi son propre scénariste, se demande quelle est l’essence de cette activité dont la répétition quotidienne n’arrive pas à abraser le plaisir.
Relève-t-elle de l’art ou de la philosophie, de celle qui, dans l’esprit de Boèce, permet de consoler de la solitude, de la peur, et de toutes les difficultés existentielles ?
De facture classique, privilégiant les plans serrés sur des moments d’intimité, « Eden » charme par son interprétation de choix. Joseph Ostendorf a la densité légère de celui dont le poids corporel est allégé par la capacité à ressentir avec finesse et tendresse les gens et les évènements.
Charlotte Roche, qui fut en 2001 sacrée « Queen of Germany pop télévision » pour ses interviews de stars sur la chaîne musicale Viva II, surprend par son don cendrillonesque à se transformer. A laisser la saveur des aliments révéler la lumière dont elle secrètement porteuse.
Finalement son Eden, elle ne se contentera plus d’en être l’appellation, elle l’habitera. Avec ou sans pomme… (m.c.a)