Coup de coeur
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

Coup de coeurGETTING HOME

Zhang Yang (Chine 2007 - distributeur : Coopérative Nouveau Cinéma)

Bensham Zhao, Qiwen Hong

85 min.
13 février 2008
GETTING HOME

Dans un de ses plus célèbres films, « Cris et chuchotements » Bergman fait dire à l’une de ses héroïnes - Ingrid Thulin - ces mots qui scellent le rapport de la plupart d’entre-nous avec la mort :

« Je suis en vie. La mort n’a rien à faire avec moi. ».

Chez Zhang Yang, c’est l’inverse. La vie prend en charge la mort. Sans peur, sans hésitation et sans distance puisque c’est sur son dos (*) qu’un ouvrier ramène chez lui son ami décédé, afin qu’il puisse être incinéré, selon les usages, dans son village natal.

Rien de morbide ou de complaisant dans ce film qui irradie la sympathie et le courage.

Le courage, il en faut à Zhao pour parcourir, avec peu de moyens financiers mais avec une surprenante ingéniosité, les milliers de kilomètres qui séparent le lieu du décès de l’endroit de l’incinération.

Voyage bien étrange qui n’a rien d’initiatique mais qui a tout de l’affection bourrue d’un vieil ouvrier pour son compagnon de chantier.

Voyage à travers une Chine dans laquelle modernité et tradition se superposent, où l’appât du gain n’arrive pas (encore) à museler un sens désintéressée de l’entraide. Une Chine dont les problèmes ne sont pas esquivés mais esquissés (exode rural, déclin des valeurs familiales, aliénation urbaine).

Voyage au cours duquel Zhao croisera, selon l’expression de Philippe Labro, « toutes sortes de gens » découvrant ainsi en même temps que le spectateur une infinie variétés de paysages, de façons d’être, de tendre ou pas la main à son prochain, de nouer avec lui une relation de confiance ou de méfiance.

Un film dans lequel les notions de dévouement, de respect de la parole donnée, de l’engagement (**) occupent la première place est certainement un film à voir.

A voir avec d’autant plus de plaisir qu’il est émaillé d’un esprit taquin incarné par un Bensham Zhao au cœur rusé et généreux. Bravo aussi à Qiwen Hong. Jouer un cadavre convaincant n’est pas donné au premier vivant venu…

« Getting… » a cartonné au Festival du Cinéma de Chine qui s’est tenu à Bruxelles au mois de janvier 2008.

Ne ratez pas l’occasion de le voir. Parce que c’est un film attachant qui donne au 7ème art chinois une petite note farceuse qui rappelle le meilleur de ces comédies italiennes qui couplent émotion et pudeur, canaillerie et humanité, douceur et amertume.

Sweet and Sour, comme ces ingrédients qui après avoir donné à la cuisine chinoise sa singularité, apportent maintenant au cinéma sa « special touch » (m.c.a)

(*) Dans l’« Invitation au voyage » de Peter Del Monte c’est dans la boîte d’une contrebasse qu’un frère ramènera chez elle sa sœur morte.
(**) Qui rappelle celui de Tommy Lee Jones dans « Three burials » de ramener au Mexique le corps de feu Melquiades Estrada