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L’acier a coulé dans nos veines

Christine Pireaux et Thierry Michel
120 min.
22 janvier 2025
L'acier a coulé dans nos veines

Auteur d’une quarantaine de films depuis 45 ans, Thierry Michel, cinéaste, journaliste et photographe, revient dans sa région, à Liège, pour un documentaire époustouflant sur le monde de la sidérurgie.
Ce film captivant explore les destins forgés par le fer et le feu, à travers des témoignages personnels et des archives inédites sur 50 ans.
Thierry Michel avait déjà réalisé en 1980 sur le même thème « Chroniques des saisons d’acier ».
Il était déjà revenu dans sa région pour un film sur les petits-enfants de mineurs turcs « Les enfants du hasard »(2017) et suivi des adolescents pendant deux ans, au pied du haut fourneau de Seraing « L’école de l’impossible »(2020).
Ce documentaire nous plonge dans la saga de la sidérurgie liégeoise qui démarre avec John Cockerill, 50000 travailleurs, acteurs de progrès social, avenir radieux, passe par Cockerill Sambre, Usinor, Arcelor pour se terminer par Mittal qui ferme le dernier haut fourneau et met le millier de travailleurs qui restait au chômage.
Thierry Michel met en lumière les luttes sociales et la résilience des travailleurs face à des défis économiques qui les dépassent. Ce sont plusieurs décennies de luttes sociales et évidemment des dégâts : des blessés et morts sur les chantiers mais aussi des dépressions, des suicides.
Cette déshumanisation progressive de l’industrie, voulue par les patrons, ne s’est pas fait sans lutte des travailleurs. Manifestations, actions musclées, grèves ont jalonné les différentes étapes.
Il montre comment les pouvoirs publics, un moment partie prenante dans ce secteur, ont lâché les travailleurs, ont laissé le capitalisme et leurs objectifs purement financiers prendre le dessus et perdre tout contrôle par la même occasion.
A travers des images tirées des archives FGTB, RTBF et de documents propres, Thierry Michel explore notre histoire collective, donne la parole à des sidérurgistes, explore plusieurs destins d’hommes pour qui le haut fourneau était leur seconde famille. Ils ont dompté les machines, les ont nourries, veillées pour produire le meilleur. La solidarité, la fraternité, la confiance étaient essentielles dans ce métier dur, fait de travail en équipes, à pauses, dans la chaleur des hauts fourneaux, le froid de l’hiver, la fumée , la sueur des travailleurs et la poussière mais aussi dans la beauté d’un métal qui se métamorphose en une coulée d’or qui donne des images sublimes.
Amour d’un métier qui donnait du sens à leur vie, fierté du travail accompli.
La bande musicale, centrale et grandiose, rythme le film pour rendre compte de la puissance de ce monstre d’acier, fait d’étincelles, de fumée, de bruit et de fracas. Elle renforce également les scènes d’actions et de grèves lors des manifestations.
Cette ponctuation musicale entraîne le spectateur vers une réflexion plus philosophique. Au-delà des très belles images du film, on sent la mort d’une région, les hommes laissés sur le carreau, le chômage, le manque de perspective…
Thierry Michel, après les dernières atrocités dénoncées dans « L’Empire du silence » en 2021, nous offre ici un récit vivant, politique, historique mais surtout une réflexion philosophique sur une région qui se meurt, qui a perdu la lutte face au grand capital. Mais c’est surtout un hommage aux hommes qui ont fait la fortune d’une région, qui se sont battus jusqu’au bout pour maintenir leur outil de travail.
Film humaniste enfin qui, comme dans tous les films de Thierry Michel, place l’homme au centre de toutes les préoccupations du monde.
Drossia Bouras

Cinergie.be : Interview de Thierry Michel par Drossia Bouras https://www.cinergie.be/actualites/thierry-michel-l-acier-a-coule-dans-nos-veines