Chronique dramatique
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Coup de coeurLA FAUTE A FIDEL

Julie Gavras (France 2006 - distributeur : Les Films de L'Elysée)

Julie Depardieu, Stefano Accorsi, Nina Kervel

102 min.
6 décembre 2006
LA FAUTE A FIDEL

A quoi tient l’attachement éprouvé pour un film ?
En l’occurence, certainement, à l’équilibre bien cadencé de différents talents : la gravité intelligente d’une romancière Domitilla Calamai (*), la sensibilité d’une réalisatrice (**) l’efficacité nuancée d’une productrice, Sylvie Pialat et l’ajustement naturel des interprètes à leurs rôles.

Tous ont oeuvré à cette description juste et savoureuse du parcours qui amène une petite fille à découvrir la face sombre de l’Histoire, l’impuissance de ses parents à donner réponse à toutes les questions et la conjugaison possible mais toujours périlleuse de la générosité et de l’ engagement citoyen.

Anna a 9 ans (***), elle partage avec son petit frère la vie confortable de bourgeois aisés. Sa vision du monde est égoïste et étroite. Un jour ses parents décident de changer de vie et de changer le monde. Ils quittent leurs beaux quartiers, ont de nouveaux amis, chevelus, communistes et castristes, s’intéressent au Chili et militent pour l’avortement.

Anna saura-t-elle faire face dans à ces bouleversements qui la contraignent à quitter les certitudes d’une éducation religieuse et bienséante pour les aléas d’une vie de militants soixante huitards dont la sincérité croise un empressement à bien faire parfois maladroit.

Julie Depardieu est une actrice qui peut être formidable – et c’est le cas ici – lorsque son moteur à jouer puise dans l’affectif. Elle est épatante en mère de famille, soucieuse à la fois de vivre les aventures libertaires de son époque (elle signe « le manifeste des 339 », elle chante « L’El Ejercito del Ebro ») et d’ouvrir, avec tendresse, le regard de ses enfants sur une réalité politique et sociale qui demande à faire la différence entre « l’esprit de groupe » et celui du « mouton de Panurge ».

Julie Gavras a, dans sa palette de cinéaste, un bien joli pinceau pour étaler, avec délicatesse, ses couleurs idéologiques. La scène de la manifestation antifranquiste est exemplaire d’un cinéma qui choisit de se vivre au niveau de celle (Anna) qui raconte l’histoire : seuls les pieds ou les dos des défilants seront suivis par une caméra devenue subjective.

La jeune Nina Kervel est d’une vérité étonnante dans ce cheminement d’une fillette qui apprendra à renoncer à l’étriqué des préjugés. La dernière scène, dans laquelle sa main viendra se nicher dans celle de son papa, pour le consoler de la mort d’Allende rappelle avec une touchante simplicité que face à la dureté du monde il reste la tendresse familiale.

La pulsion du film, qui allie sourires et drames, rappelle, par son titre en 4 mots qui sonnent comme un glas, qu’il y a quelques cent quarante ans, Anna avait un lointain cousin en la personne de Gavroche, ce gamin de Paris qui se battait contre le régime en place en chantant « Je suis tombé par terre / C’est la faute à Voltaire / Le nez dans le ruisseau / C’est la faute à Rousseau. (m.c.a)

(*) dont le livre-muse est édité aux éditions Acte Sud
(**) qui avait déjà en 2002 consacré un long travail aux enfants en suivant une classe de CM1 dans un documentaire "Le corsaire, le magicien, le voleur et les enfants". devenu depuis lors un classique du genre bien éloigné du lyrisme du "Etre ou Avoir" de Nicolas Philibert.
(***) presque le même âge que la réalisatrice avait lorsque son propre père, Costa Gavras, réalisait en 1973 "Missing", ce film dramatique sur les disparitions mystérieuses des opposants au coup d’Etat de Pinochet.