Juliette Binoche, Benoît Magimel, Emmanuel Salinger
Un festin ! Et pas celui de Babette, mais il n’est pas sans une certaine analogie. Le film est essentiellement consacré à la préparation de mets ultra raffinés, par une cuisinière de talent, pour un gourmet, son amant.
Nous sommes dans une cuisine du XIXe siècle avec tout le charme des accessoires d’époque et la servitude des feux de bois. Nous assistons à d’innombrables préparations et dégustations qui mettent l’eau à la bouche, et en joie les commensaux gourmets et gourmands qui forment une espèce de club passionné par le plaisir des papilles et de l’odorat comme les amateurs de musique le sont par le plaisir des oreilles. Des gastronomes de très haute volée.
La cuisinière Eugénie est interprétée avec une infinie délicatesse par Juliette Binoche. Benoit Magimel est le propriétaire de ce beau château dont on voit essentiellement les étages domestiques et surtout la cuisine, véritable temple du bien manger.
Il faut souligner la participation de Bonnie Chagneau-Ravoire, la jeune Pauline, apprentie aux talents culinaires et gustatifs exceptionnels, un peu comme pour l’ouïe, les personnes ayant « l’oreille absolue ». Elle me semble extrêmement talentueuse, jouant de ses regards, de ses positionnements de tête, du sens du rythme pour dire ses répliques et respecter les silences. Une merveille de comédienne en gestation, elle n’a que 12 ans mais déjà crève l’écran. Il n’y a pas que la préparation des plats qui occupe la vie de cet antre, il y a aussi une autre passion, discrète, qui unit les protagonistes et elle donne au film une dimension très touchante.
Mais ce que je voudrais souligner surtout c’est la brillantissime façon de filmer. Les lumières et surtout les mouvements de caméra dans des plans d’une incroyable complexité (qui ne se ressent jamais) donnent aux spectateurs un plaisir pour les yeux aussi raffiné que ce qui se prépare pour les gourmets. Un régal. Pour les oreilles, rien que quelques notes de musique pour le générique, ce qui illustre bien qu’il n’est pas toujours nécessaire de nous assourdir ou de nous bercer avec de la musique qui souligne à outrance la vibration d’un récit lorsque l’image suffit à la faire ressentir.
Ce film est le 7e du réalisateur d’origine vietnamienne ayant fait carrière en France et dont le premier film est resté dans toutes les mémoires : L’Odeur de la papaye verte. J’avais adoré Éternité, son film précédent. Celui-ci est inspiré par un roman de Marcel Rouff, auteur quelque peu oublié mais dont la culture culinaire reste une référence, et son fameux « pot-au-feu » une sorte de grâle pour les chefs ambitieux. Le nom de son personnage de fiction, Dodin-Bouffant a été utilisé par des auteurs de chroniques qui voulaient ainsi se rapprocher du parnasse des gastronomes.
N’hésitez pas à céder à cette passion ; après le repas, sauf à souffrir de crampes durant la projection.
Francis de Laveleye , un passionné de cinéma et ami de CineFemme