Coup de coeur
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Coup de coeurLA STELLA CHE NON C’E (L’ETOILE IMAGINAIRE)

Gianni Amelio (France/Italie/Suisse 2006 - distributeur : Cinéart)

Ling Tai, Sergio Castellito

103 min.
23 mai 2007
LA STELLA CHE NON C'E (L'ETOILE IMAGINAIRE)

Il y a des moments de cinéma magiques. Parce qu’ils induisent, au plus profond de vous, des ondes de quiétude. Parce qu’ils vous rendent plein de gratitude à l’égard des cinéastes, du moins aux meilleurs d’entre eux, d’avoir compris, comme Pessoa l’avait fait avec la littérature, que « les livres (les films) prouvent que la vie ne suffit pas ». Qu’il faut parfois l’éclairer d’un autre point de vue. Celui d’une caméra tendre et modeste.

En Italie, des chinois rachètent une aciérie. Vincenzo Buonvolonta , le responsable chargé de la maintenance de son haut-fourneau, part en Chine et tente de retrouver, entre Shangai, Wuhan et Chongqing, les acheteurs pour leur signaler une anomalie dans son fonctionnement.

Très vite cette quête, commencée avec la détermination qui préside aux road-movies, devient autre chose de plus grave et de plus intime, proche de la transsubstantiation d’un esprit.

Au spleen d’être loin de chez lui, s’ajoute, pour Vincenzo, au fur et à mesure d’un voyage qui s’inscrit dans le cœur d’une Chine immense, en pleine mutation et bien moins victorieuse que les clichés collés à la modernité tapageuse de ses grandes métropoles, une lente et effarée prise de conscience d’un monde où il n’est rien. Où l’Italie a cessé, depuis longtemps, d’être un pion signifiant.

Cet aperçu de ce que pourrait être notre avenir mondialisé, écartelé entre effervescence et solitude, entre beauté et saccages de la nature, Gianni Amelio a choisi d’en souligner les contradictions avec un mélancolique altruisme.

Pas de pointages de doigt accusateur, d’explications pesant des tonnes, juste des touches d’idéalisme désenchanté pour accompagner le périple d’un honnête homme, au sens moral que les Lumières donnaient à cette expression, qui découvrira que voyager est moins important que trouver celle auprès de laquelle déposer son cœur et ses espérances.

Les acteurs sont poignants. Tai Ling par sa force intérieure et Sergio Castellito parce qu’il exprime, avec une infinie subtilité, les délicates notes d’une humanité qui le rend témoin impuissant des dégâts sociaux d’un développement économique effréné (comme en Chine) ou dépassé (comme en Europe).

Frère du Han Sanming de « Still life » de Jia Zhangke, il est proche aussi du Stephen Rea de
« Between the devil and the deep blue side » de Marion Hänsel avec lequel il partage une crise de larmes qui, mieux que bien de discours, cerne le désarroi existentiel de l’individu lorsque lui est rappelé le tragique de la destinée humaine. (m.c.a)