Catherine Deneuve, Miou-Miou, Emmanuelle Béart, Géraldine Pailhas, Valérie Lemercier, Claude Brasseur, Gérard Lanvin, Michaël Cohen
« Le héros de la famille » est un film trompeur (*) comme une poupée gigogne : simple et univoque à l’extérieur mais complexe et multiple à l’intérieur.
Claude Brasseur est le propriétaire d’un vieux cabaret niçois « Le perroquet bleu ». Sa mort enclenche une dévolution successorale inattendue obligeant ceux qu’il a aimés à se confronter autrement à eux-mêmes et aux ratés de leurs vies pour redonner à celles-ci un sens souvent perdu.
Les accroches de ce film, le deuxième pour Thierry Klifa (après « Une vie à t’attendre ») sont celles d’un cinéma commercial, populaire et grand public mais elles rappellent aussi, par sa dévotion aux comédiens, que le cinéaste a été, au magazine Studio, un défenseur de ce que Truffaut appelait « l’autre tendance du cinéma français », celle qui fait des acteurs et des actrices la force vive du 7ème art.
Raison pour laquelle sans doute ce « Héros » est bâti autour de grandes pointures que l’on est content de retrouver et dont on salue le talent à pouvoir insuffler relief et crédibilité à un scénario qui flirte dangereusement avec une enfilade-cliché de règlements de comptes et de coups de théâtre dans la tradition faussement vacharde du boulevard.
Ce sont les actrices, plus que leurs homologues masculins dont un Gérard Lanvin particulièrement exaspérant, qui retiennent l’attention. Elles sont cinq et fonctionnent en équations asymétriques [(2 + 2 ) + 1]. D’un côté Deneuve et Miou-Miou ou deux registres de jeu et d’attitude qui s’épaulent et se complètent : la sophistication et la simplicité. De l’autre Pailhas et Béart ou deux portraits tranchés de femmes : la rigide et la vibrante. Enfin la solitaire mais drôlement attachante Valérie Lemercier en répétitrice de revues.
Toutes les cinq sont intéressantes. Chacune sort renforcée de sa confrontation à l’autre. Ainsi Deneuve /Miou-Miou lorsque toutes deux, joyeusement pompettes, se souviennent d’un tour pendable joué à celui qui fut leur amant successif. Ou encore Pailhas/Béart, qui le temps d’une chanson mélancolique, réconcilient leurs profils opposés.
Manque à ce « « Héros », pour lui donner une vraie singularité, une botte secrète qui lui aurait permis, de gommer cette consensualité à laquelle semble pathologiquement tenir le coscénariste Christopher Thompson (« La bûche », « Fauteuils d’orchestre »).
Moins d’embourgeoisement et de complaisance pour plus d’originalité et d’humeur vipérine, voilà
de quoi doper un cinéma qui assoupit à force de ronronner. (m.c.a)
(*) ce n’est pas par hasard que l’un de ses personnages est prestidigitateur et que « Le perroquet bleu » cache, en son cœur, une chambre aux illusions (autrement dit une maison de rendez-vous).