Bill Skarsgaard, William Dafoe, Lily-Rose Depp
Le Nosferatu de Robert Eggers, réalisateur de l’impressionnant et effrayant The Lighthouse, est une nouvelle version du Nosferatu de Murnau, inspiré d’une œuvre célèbre de la littérature britannique, Dracula, écrite en 1897 par l’auteur irlandais Bram Stoker.
Une petite ville allemande en 1838. Un jeune agent immobilier est envoyé par son patron quelque part dans les Carpates pour conclure un contrat. Pour ce faire, il doit quitter sa jeune épouse, inquiète, fébrile et hantée par des cauchemars. Il arrive dans un château sinistre où vit Nosferatu, un personnage manifestement démoniaque animé de très mauvaises intentions. Il lui échappe mais Nosferatu le suit pour retrouver celle qu’il hante, effectivement, et qui le hante. L’histoire ne finira pas bien du tout.
Le film est un film d’horreur, bien sûr, mais aussi et surtout une œuvre d’art gothique avec des plans caméra remarquables et des acteurs excellents en particulier Bill Skarsgaard dans le rôle de Nosferatu, William Dafoe dans celui du professeur et Lily-Rose Depp, très convaincante dans le rôle de la jeune femme même si elle n’a pas (encore) le charisme de la très peu classique beauté de sa mère. Gros bémol : la voix d’outre-tombe de Nosferatu, tellement surfaite qu’elle en est totalement ridicule.
Le film ouvre la porte à des interprétations diverses et, à partir d’une remarque qui m’a été faite par une spectatrice au sortir de la salle, j’aimerais souligner l’une d’entre elles. Cette spectatrice m’a dit qu’elle en a assez de l’oppression de la femme. Oui mais, est-ce bien de cela qu’il s’agit ? N’oublions pas que dans la scène du début, c’est l’héroïne qui supplie le vampire de venir à elle. Est-ce que ce film, finalement, ne serait pas surtout, dans le cadre du thème éternel du mal, une histoire d’amour fusionnel qui finit dans la mort des protagonistes et la totale décrépitude du vampire ? Et du coup, pourrait-on oser une conclusion totalement iconoclaste à savoir que c’est lui, le vampire, le pauvre chou qu’il faut plaindre ? Ce qui rouvre totalement le débat sur ce qu’est le mal.
Sur le plan cinématographique il faut revoir, pour une comparaison des plus intéressante, le Nosferatu de Murnau, le Dracula de Coppola et le Nosferatu de Werner Herzog avec Klaus Kinsky.
Certains fuient le gothique et les films d’horreur qu’ils auraient tendance, s’ils s’y trouvent confrontés à leur corps défendant, à regarder en fermant les yeux. Mais on ne boude pas une nouvelle version de Nosferatu. Et on se surprend à sortir de là séduit, voire obsédé, par ce film, son thème, sa mise en scène et ses acteurs.
Deux autres points intéressants du film : son illustration de la médecine de l’époque qui préconisait, entre autres, de contrôler ce qu’on qualifiait d’hystérie en corsetant la patiente jusqu’à l’étouffement, et le décor très fidèle à la réalité de l’époque de cette ville d’Allemagne dont les semblables ont disparu sous les bombes de la seconde guerre mondiale.
Question finale : D’où vient et où va la fascination pour le mal absolu, dans le chef des protagonistes de cette histoire éternelle et dans le chef des spectateurs ?
Anne Marie Deboeck