LES ENFANTS TERRIBLES : UN FESTIVAL QUI, PETIT A PETIT, DEVIENT MOINS PETIT
Du 19 au 22 octobre dernier avait lieu le Festival Les Enfants Terribles (LET) au centre culturel de Huy. L’édition 2018 fêtait son cinquième anniversaire, un bel âge pour un enfant terrible ! CinéFemme a eu le plaisir d’y être présente et de découvrir une partie de la programmation. Retour sur ce qui fait l’ADN d’un Festival qui mérite vraiment le détour et rencontre avec ses terribles organisatrices.
L’ADN du Festival : l’enfance de l’art
Le Festival Les Enfants Terribles est organisé par l’asbl FIDEC, association née en 2011 en même temps que le Festival International des Ecoles de Cinéma dont elle a été l’organisatrice pendant 12 ans. Les deux objectifs principaux de l’évènement étaient alors de présenter et promouvoir les courts-métrages de jeunes réalisateurs étudiants en cinéma, belges et étrangers, et de développer à Huy un événement cinématographique dynamique favorisant l’éducation à l’image.
En 2013, naît le Festival Les Enfants Terribles, qui élargit son concept aux premiers films européens et ne se limite plus seulement aux courts-métrages réalisés par des étudiants. Dans le cadre de sa compétition, le Festival fait ainsi aujourd’hui la part belle aux premiers films réalisés dans un cadre professionnel, au sein d’une école de cinéma, d’un atelier ou autoproduits. Il propose également hors compétition des premiers longs-métrages européens jamais projetés en région hutoise.
La volonté de mettre avant tout en valeur le court-métrage s’explique pour plusieurs raisons et constats que les trois organisatrices du Festival (Anne Wathelet, Justine et Emilie Montagner) ont eu à cœur de nous exposer. Premier constat : le court métrage est un format peu connu, voire méconnu du grand public. Dans l’esprit de beaucoup de gens, perdure encore l’idée qu’un court-métrage est un exercice inabouti, voire un objet cinématographique bricolé par des amateurs. Or, même si comparaison n’est pas raison, le court-métrage est au long-métrage ce que la nouvelle est au roman, et à ce titre, il doit non seulement répondre à un niveau d’exigence élevé mais aussi se soumettre à des contraintes cinématographiques bien spécifiques. La réaction des enfants est à ce sujet éloquente : lors d’une rencontre scolaire, il s’est ainsi avéré que certains bouts de chou s’imaginaient que la réalisation d’un court-métrage ne prenait que très peu de temps (de quelques heures à deux jours au plus dans l’esprit de nos jolies têtes blondes).
Par ailleurs, la méconnaissance dont pâtit le court-métrage tient aussi à son manque de visibilité et de promotion en salles comme à la télévision. Dans cette perspective, le Festival met donc un point d’honneur à ouvrir son public à une dimension cinématographique (im)pertinente qui demeure trop souvent dans l’ombre, et donne simultanément l’occasion à la jeune génération des cinéastes européens de rencontrer de visu les spectateurs.
En optant pour le court-métrage, format de tous les genres et de toutes les audaces, le Festival défend également la diversité, la jeunesse (d’esprit et de création) et la turbulence (une curiosité agitée et positive). Enfin, le court-métrage constituant souvent le premier pas des jeunes réalisateurs, le Festival offre non seulement une belle rampe de lancement aux créateurs mais il permet aussi aux découvreurs de talent de débusquer en primeur les cinéastes qui feront le cinéma de demain. Dans cette perspective, on ne s’étonnera pas que les premières œuvres de Joachim Lafosse aient été présentées avec succès à Huy.
L’esprit et l’ambition du Festival : l’art de l’enfance
Soucieuses de conserver l’esprit de convivialité et le caractère de proximité du Festival, Justine, Anne et Émilie n’aspirent guère dans les années à venir à multiplier par 100 le nombre de festivaliers. Leur ambition est avant tout « de rester fidèles à elles-mêmes » : « Nous tenons vraiment à ce que ce Festival conserve sa dimension humaine et généreuse en réservant un accueil de qualité à tous les spectateurs, et ce, dans une atmosphère chaleureuse, décontractée et bon enfant », explique Anne Wathelet. « Nous accordons en effet une importance cruciale aux rencontres qui se nouent entre le public et les équipes des films, soit dans le cadre des débats qui sont organisés à l’issue des projections, soit de manière informelle autour d’un verre au bar du Festival », poursuit Justine Montagner. « Il serait par exemple inenvisageable pour nous de créer un espace VIP réservé à nos invités, les séparant du public ! », remarque Anne. « C’est d’ailleurs également ce qui nous a motivées à circonscrire la compétition au niveau européen », précise-t-elle, « ce qui n’était pas le cas au tout début de l’association car la sélection était internationale. « En restreignant la compétition d’un point de vue géographique, nous nous donnons les moyens d’accueillir un maximum d’équipes de films dans les meilleures conditions et de leur offrir un vaste espace d’échange avec le public », ajoute Justine. À cet égard, les ateliers et les projections destinés aux écoles remportent un succès remarquable : ce ne sont en effet pas moins de 1500 écoliers qui ont été présents cette année au Festival. Enfin, conclut Emilie, « nous tenons aussi à maintenir le caractère festif et familial du Festival : cette année, cinq évènements ont ainsi gaiement ponctué le Festival (rencontre littéraire, expo photo, Instagram party, concert …) et la dernière journée du Festival était destinée aux familles terribles. Quel meilleur remède contre le cafard du dimanche !? »
La programmation et le Palmarès : une sérieuse sélection pour un Festival qui ne se prend pas au sérieux
Signe que le Festival Les Enfants Terribles grandit d’année en année en notoriété : le nombre croissant de courts-métrages soumis à la sélection. Cette année, ce sont 600 courts-métrages qui ont été inscrits, parmi lesquels seuls 33 ont été retenus.
S’agissant de la programmation, force est d’en souligner la qualité, unanimement saluée par tous les Jurys amenés à récompenser les films concourant dans la compétition.
On notera d’ailleurs que 4 films projetés à Huy figurent parmi les 10 candidats retenus lors du premier tour de sélection des Magritte du Cinéma dont la 8ème édition se tiendra le 3 février prochain. Il s’agit de :
Fugazi de Laurent Michelet
Chose assez rare pour être notée, « Fugazi » est un court métrage de science fiction, situé dans l’espace en 2039. Fugazy a remporté le prix de la meilleure production au Festival de Drama en Grèce.
Kapitalistis de Pablo Muñoz Gomez
Nominé l’année dernière pour son documentaire Intégration Inch’Allah, Pablo Muñoz Gomez a déjà remporté le Magritte du Meilleur Court Métrage pour Welkom en 2014. Kapitalistis a obtenu une mention spéciale au FIFF ainsi qu’au LET.
Les Petites Mains de Rémi Allier
Les Petites Mains est le troisième film de Rémi Allier après « Jan » (co-réalisé avec... Pablo Munoz Gomez !) et « Zinneke » (2013).
May Day de Fedrik De Beul et Olivier Magis
May Day est la première fiction d’Olivier Magis, auteur de nombreux documentaires, et la 3ème de Fedrik De Beul, également enseignant en cinéma.
Parmi les films figurant au Palmarès, on remarquera notamment le Prix de la Critique UCC – UPCB décerné à « Ice » d’Anna Hints pour sa qualité photographique et sa poésie métaphysique ainsi que le Prix de la Trois récompensant « In Ayas’ Augen » de David Wagner pour sa mise en scène ainsi que pour l’originalité avec laquelle il aborde un sujet malheureusement trop actuel. (On notera d’ailleurs au passage la présence au générique de Halima Ilter, héroïne de « Zagros » premier long-métrage de Sahim Omar Kalifa.)
On regrettera par contre l’absence au Palmarès de « Les Petites mains » de Rémi Allier qui, avec un savoir-faire remarquable, une intelligence subtile et un effet miroir développé toute en finesse, filme à hauteur d’enfant un sujet absurdement adulte.
L’ensemble du Palmarès est consultable sur le site du FIDEC (https://festivallesenfantsterribles.wordpress.com/2017/10/22/palmares-2017/)
Christie Huysmans