A voir avec les ados
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Coup de coeurU

Grégoire Solotareff & Serge Elissalde (France 2006)

Les voix d’Isild Le Besco, Vahina Giocante , Bernadette Laffont, Sanseverino

75 min.
21 mars 2007
U

« U » apporte un singulier démenti à la rumeur selon laquelle le cinéma qui intéresse le jeune spectateur doit être gnangnan ou violent.
Ce qu’Amos Kollek, dans un de ses films les moins regardables « Nowhere to go but up », a résumé en ces termes : « si tu veux un film porteur pour les ado, fais une daube ».

Mais il existe, Dieu merci, des cinéastes qui, parce qu’ils ont le respect de leur public, conjuguent leur talent pour offrir non pas « le » produit formaté et pré-mâché habituel mais « une » œuvre soignée quant à son propos et à sa scénographie.

Mona est une jeune princesse tristounette. Pour alléger sa solitude, une licorne, U, devient son amie. Mona tombe amoureuse de Kulka, le guitariste d’un groupe de musique, les WéWés. U se sent délaissée et redoute d’être abandonnée.

Il y a de la magie dans la représentation de ces personnages. Mona a la tête d’un chien au long nez et aux membres graciles - elle a tout de la maladresse de l’adolescente trop vite grandie. Kulka est un chat rouge - il a ce quelque chose d’endiablé et d’intriguant qui attire les jeunes filles. U est minuscule et mystérieuse - elle est symboliquement chargée de protéger l’innocence de Mona. "U" c’est l’anti "O", une histoire d’individualisation et de non de soumission.

Il y a de l’art, beaucoup d’art dans les images dessinées par Solotareff et animées par Elissalde. Regarder « U » c’est presque comme faire une visite muséale un quizz à la main. C’est à qui reconnaîtra ici un Matisse, là un Gauguin, là encore un peintre de la Renaissance flamande.

Solotareff dessine depuis longtemps. Ses illustrations se reconnaissent aisément par leur flamboyance chromatique et la complexité de la représentation de ses personnages.
Elissalde a su conserver, en ne recourant au numérique qu’en cas d’absolue nécessité, à ce travail son côté artisanal (les dessins sont peints à la main sur papier et gouachés façon aquarelle c’est-à-dire gorgés d’eau) qui le démarque de la folie 3D qui a envahi le monde de l’animé américain et japonais contemporains.

Pourtant « U » a un ton résolument moderne, vraisemblablement dû à une musique très emballante et à la justesse des voix qui donnent aux personnages une épaisseur quasi humaine. Celles de Mona (une troublante et séduisante Isild le Besco), de U ( une douce et sage Vahina Giocante) collent à l’esprit métaphorique de leurs rôles avec autant de justesse que les couleurs primaires qui semblent être de chaque plan.

« U » est un peu à l’adolescence ce que « Titeuf » est à l’enfance. Une façon d’aborder sans détour et avec un grain de folie les questions qui taraudent à ces âges : l’attrait pour l’autre, le désir d’émancipation, la peur de la différence.

Ce film ne plaira pas qu’à ceux qui ont douze ans, mais aussi à ceux qui ont plus ou beaucoup plus. Il leur suffira de plonger dans leurs souvenirs pour retrouver la fraîcheur de ce premier amour qui n’est jamais complètement oublié. (m.c.a)