Jean Dujardin, Jocelyn Quivrin, Patrick Mille, Elisa Tavati
9,60 € - le prix d’un ticket de Cinéma à Bruxelles - pour « 99 F » c’est de l’arnaque. Comme s’acheter un vêtement que l’on croit vintage alors qu’il est tout simplement démodé.
Pour certains roman culte, pour d’autres roman étron (*),« 99F » de Frédéric Beigbeder, paru en 2000 se voulait une dénonciation cynique par un paumé (ou le contraire la charge paumée d’un cynique) du monde de la publicité.
7 ans après, « 99 F » est devenu un film qui, outre qu’il soit tout aussi délirant et insupportable que son modèle, présente l’insigne défaut de sembler datable au carbone 14 tant son propos enfonce la porte ouverte de l’amoralité de la publicité.
L’écrivain, comme le cinéaste, s’échinent avec une lourdeur évidente à chaque page et à chaque plan, à incarner l’inquiétude et la mauvaise conscience engendrées par la société de consommation sous les traits d’un concepteur publicitaire portant tous les stigmates du Précieux Ridicule de la fin du XXème siècle : arrogance, frime, fric, drogue et sexe.
Mi-pantin, mi-beauf, Octave brasse tous les excès vulgaires d’une l’époque à la lumière d’une débauche de couleurs dont l’effet pétaradant donne à « 99 F », humour en moins et vulgarité en plus, un côté « Pierre et Gilles » chez Seguela.
Là où « 99 F » se veut un pamphlet, il est surtout un pensum didactique. Son intention de témoigner à charge de "l’univers de la réclame" rate sa cible parce que la caricature simpliste avec laquelle il bombe son propos fatigue et lasse, au lieu de convaincre ou d’intéresser.
Film bourgeois , « 99 F » a tous les défauts de sa classe. Il suinte la bienséance repue sous les alibis de la dérision et de la prise de conscience. Il crache dans la soupe tout en passant à la caisse. Et il confond narcissisme et auto promotion - à cet égard les apparitions de Beigbeder himself ajoutent à la nouvelle plaie cinématographique, le placement product, celle du placement subject.
Koenen est un enfant de la pub (**) et il en a gardé les tics les plus vains - zooms en cascade, pluie d’effets visuels, trompe l’oreille d’une bande son envahissante…..
Même s’il place la barre très haut en lorgnant vers la flamboyance décadente d’un Terry Gilliam, celui notamment de « Las Vegas Parano », il n’arrive pas à décoller de l’étroitesse d’un clip video.
Octave c’est Jean Dujardin, en « Paris Hilton » de l’hexagone, capable à lui tout seul d’incarner l’almanach Vermot des contraintes auxquels un trentenaire doit compliance pour se prétendre branché.
Un mot existe pour cerner « 99 F ». Un mot qui ratisse suffisamment large pour en englober les défauts : pathétique.
Ceux qui ont envie d’un regard, actionné par l’intelligence et non par la coke et les partouzes, sur la publicité et ses possibilités infinies de manipulation, reverront avec intérêt « The arrangement » d’Elia Kazan et notamment cette scène d’anthologie au cours de laquelle Kirk Douglas, en plein exposé hypocrite sur les bienfaits du tabac ( « Les gens que vous respectez fument la cigarette propre, Zéphir » ) est observé par une Faye Dunaway dont le silence aiguise la sarcastique désapprobation..
(m.c.a)
(*) très vite entouré, dès sa sortie, de la méphitique odeur d’être le plagiat d’un livre publié deux ans auparavant, "Affaire à suivre" de Marc Gendron (XYZ Editions)
(**) il est le père dans ce domaine de jolies choses pour Boursin ou Adidas