Reconstitution d’un fait divers

A SIMPLE LIFE

Ann Hui (Chine 2011)

Deannie Yip,Andy Lau

117 min.
22 août 2012
A SIMPLE LIFE

A-t-on le droit de chroniquer un film que l’on décidé de ne pas regarder jusqu’au bout, estimant après 42 minutes de projection avoir été trompée sur la nature d’un récit présentée comme une « délicate histoire de reconnaissance et de respect » ?

Quitter une projection n’est-il pas plus honnête que de rester cloué mais assoupi dans un moelleux fauteuil de salle de cinéma au prétexte qu’à tout moment une séquence inattendue peut racheter un long métrage en train de s’enliser dans une lourdeur et une convention aussi pesantes que plombantes ?

Parce que le parti pris avec lequel les éléments de la narration et les personnages sont mis en place relève d’une mécanique visuelle et sentimentale hyper calorique qui évide le propos de toute tendresse ou délicatesse.

Serge Daney dans " La maison cinéma et le Monde - tome III" (*) épingle ces écoeurantes simulations en une formule dont il a l’intelligent secret : l’immoralité des émotions imitées. Le summum de celle-ci, étant pour lui qui a écrit ce texte dans les années 1986/1991, "La couleur pourpre" de Steven Spielberg.

Se doutait-il que ce seuil de l’image émotionnellement manipulée serait, depuis lors, si souvent dépassé ?

La grille de lecture de "A simple ..." est polysémique. Certains y voient une illustration d’un sentiment de gratitude quasi filiale, d’autres une critique de la solitude du 3ème âge dans une Chine moderne en voie d’oubli de sa tradition ancestrale d’attention et de soins aux aînés, une dénonciation des motivations essentiellement mercantiles des gérants de « parquoirs-pour-vieux-malades-et-handicapés » ou encore un témoignage en faveur d’une auto-euthanasie.

Ils n’ont pas tort mais ce serait oublier le sentiment d’exaspération qu’on peut éprouver quant à l’ambiguïté avec laquelle est rendue l’expression du désir d’un homme (inspiré semble t-il de la vie réelle du producteur du film) de prendre soin de celle qui, durant 4 générations, a été pour sa famille une servante-gouvernante dévouée.

Désir qui revêt ici les couleurs du devoir mâtiné d’une condescendance affective aigre-douce - reflet sans doute d’une société, celle des Chinois de Hong-Kong, aux classes sociales encore immarcescibles.

La vieillesse est une thématique du 7ème art en plein essor - 2 films à succès sur le sujet sont sortis sur nos écrans en moins de 2 mois "Et si on vivait tous ensemble ?" et "Indian palace" (**)

Reste à trouver, pour traiter de ce sujet délicat, le juste ton. 

Entre humour magique, comme dans "Home sweet home" de Benoît Lamy, excès de mélodramatisation et optimisme élégant, qui montre sans susciter angoisse, inconfort ou "waltdysneyisation" hypocrite qu’il arrive un moment où « le grand âge, ce n’est pas une bataille, c’est un massacre » - Philip Roth (***)

Deannie Hip a reçu, lors du festival de Venise 2011, la coupe Volpi pour son interprétation de la domestique. (mca)

(*) edité sous la direction de Patrice Rollet chez POL

(**) respectivement de Stephane Robelin et de John Madden.

(***) in "Un homme" paru chez Folio.