BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN

Si William Shakespeare était de notre siècle, il se ferait appeler Joss Whedon.

Venice, Amérique, venus en visite chez un ancien compagnon d’arme, des militaires au repos tombent amoureux des femmes de la maison de leur hôte. Les uns se l’avouent, les autres se le cachent : les voix de Cupidon sont impénétrables (et propices aux quiproquos).

Dans cette adaptation (post-) moderne de la pièce éponyme de Shakespeare, le réalisateur(*), plus connus pour ses travaux télévisuels, prend des partis-pris risqués, mais payants : esthétique radicale du noir et blanc, ambiance jazzy, langage archaïque, grand guignol : le Beaucoup de bruit pour rien de Whedon est un film noir aux aspects cartoonesques.

Amateurs de jolies histoires romantiques, passez votre chemin, cette adaptation est un pur ( et savoureux) exercice de style, un jeu de codes, un combat de canons esthétiques qui met à mal le régime de croyance du cinéma actuel, par exemple, en y alliant la mise en scène théâtrale ( un homme de 1m80 est capable de se cacher derrière une feuille), et le verbiage ( les dialogues interminables et poétiques pendant lesquels les acteurs eux-mêmes s’exaspèrent de leur lyrisme).

En bref, Much Ado about Nothing c’est un délire savoureusement décalé (mais très réfléchi), d’une beauté esthétique folle, et d’un humour mordant : un drame noir cartoonesque.

On regrettera peut-être les permanentes références pointues aux travaux précédents du réalisateur, qui pourraient amoindrir son génie aux yeux du spectateur lambda, mais au final : faire beaucoup de bruit sur ce film ne serait pas pour rien.

Aurélie Waeterinckx

 (*) Joss Whedon est le créateur de la série archétype hyperpopulaire Buffy contre les Vampires, et également Angel, Dollhouse, Firefly et plus récemment Marvel Agents of S.H.I.E.L.D.