Chronique dramatique
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BELHORIZON

Inès Rabadan (Belgique/France/Suisse/Luxembourg 2005 - distributeur: BFD/Lumière

Emmanuel Salinger, Ilona Del Marle, Bruno Putzulu

80 min.
20 septembre 2006
BELHORIZON

Il a y quelque chose d’émouvant dans un premier long métrage.
D’émouvant et de prometteur comme une rencontre dont on espère le meilleur.

« Belhorizon » séduit d’emblée et captive par une cohérence textuelle qui se noue, avec fluidité et à propos, à une évidence visuelle, tantôt lumineuse, tantôt mystérieuse.

Un peu à la façon « Empire des Lumières » de Magritte qui peignant, dans un même plan, une certitude de clarté sur un fond plus sombre, plus secret, pointe ce qu’il peut y avoir de dérangeant dans une réalité souvent plus équivoque qu’il y paraît.

Carl arrive à Belhorizon, une auberge dont l’architecture façon « maison du facteur Cheval » est le premier indice d’un baroquisme de rencontres à venir. Il y attend des amis avec lesquels il partage le projet de racheter cet endroit qu’il avait supputé moins fantasque, plus conforme aux normes de luxe auxquelles il est habitué.

Durant cette attente il se lie d’amitié avec Esmé, la fille des gérants de Belhorizon. La placide innocence de la jeune femme sera mise à mal par l’arrivée des amis de Carl, une bande de bobos trentenaires, dont la superficialité et le snobisme semblent être les paravents mondains d’un « taedium vitae » qui les assèche.

A partir de cette trame anecdotique simple, dépourvue volontairement, du moins avant la séquence finale, de tout élément dramatique, Inès Raban va poser, par brèves et pertinentes séquences, un regard sur la difficulté toujours bien actuelle des rapports entre les classes sociales. Entre d’une part de riches bourgeois qui se comportent comme si le monde leur appartenait et d’autre part des gens simples qui ne peuvent sortir de l’étroitesse de leur position sociale que par le fantasme ou le rêve d’une vie différente.

Si la forme du film le rattache à une lignée de cinéastes contemporains (les Bourdieu, Desplechin, Mouret…) soucieux d’une écriture soignée et culturellement référencée, en l’occurrence ici à Borges, le fond du film a ce quelque chose de l’ordre d’une tension sociale qui le rapproche du « Gosford Park » d’Altman et de sa vision d’une société cloisonnée pour laquelle le métissage des classes sociales reste la plus improbable des mixités.

Inès Rabadan a une façon très personnelle d’évoquer cette absence de soudure entre ces deux clans de personnages. Elle le fait par le biais des objets : de luxe et intemporels pour les riches envahisseurs, de quotidienneté et d’usure immédiate pour leurs hôtes.

Ilona Del Marle, la jeune Esmé, apporte à ce film dont le côté policé ne doit pas gommer le noyau de violence endogène, une touche d’étrangeté un peu comme le faisait Hélène Fillières dans le film « Aïe » transformant en fable éternelle ce qui au départ appartenait à la réalité la plus prosaïque. (m.c.a)

 

Belhorizon sera projeté à Flagey à partir du 20 septembre.

Le programme peut être consulté sur www.flagey.be

Site officiel du film : www.belhorizon.org