Chronique dramatique
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Coup de coeurBUBBLE

Steven Soderbergh (USA 2005 - distributeur : Paradiso Filmed Entertainment)

Debbie Doebereiner, Dustin James Ashley

73 min.
30 août 2006
BUBBLE

Film magnifique sur le difficile passage de la relation duelle à la relation élargie, « Bubble » diffuse une inquiétude discrète permettant aux failles des personnages d’émerger sans emphase mais avec une efficacité qui surprend.

Martha et Kyle travaillent dans une fabrique de poupées en celluloïd. Ils partagent leurs heures creuses en se racontant leur vie dans un fast food local. Leur univers est sans ombre jusqu’à l’arrivée de Rose, jeune mère célibataire et séduisante.

Ce récit court - à peine plus d’une heure - éveille l’attention parce qu’au départ de vies saisies dans leur immédiateté impassible et routinière, il met le doigt sur la schizophrénie d’une société capable de faire coexister l’anodin et le violent, le répétitif et l’inattendu.

Dans cette optique, n’apparaît plus comme aléatoire ou innocent le possible rapprochement entre les gestes mécaniques de Martha de poser dans les orbites vides des têtes des baigneurs des yeux inexpressivement bleus et « Chucky », la poupée psychopathe de la série « Child’s Play » écrite par Don Mancini.

Soderbergh, tout comme Christi Puiu qui inaugurait avec « Dante Lazarescu » une série de six contes sur l’amour du prochain, considère que « Bubble » est le premier opus d’une série de six films (chiffre sériel cher à Rohmer depuis ses « Contes Moraux ») qui seront tournés en vidéo et en peu de jours avec des gens du cru, tous acteurs non professionnels, dans de petites bourgades oubliées des productions USA, sur des sujets à la trame mince.
Si « Bubble » passe à la postérité ce ne sera pas seulement pour la fascination qu’exerce le mystère secrété par les vies banales, mais parce que Soderbergh, en synergie avec la société HDNET Films Productions, a décidé de démultiplier la sortie de son film, en le distribuant à la fois dans les salles de cinéma, sur le câble payant et en DVD.

Le post-modernisme de la distribution de « Bubble » ne doit pas occulter la limpidité de sa rhétorique dont le classicisme rappelle, celle de Flaubert dans son énigmatique nouvelle « Un cœur simple ».

Comme Lars Von Trier a posé un acte de militant en édictant les règles de Dogma, Soderbergh a posé le sien en court-circuitant le réseau habituel de diffusion des œuvres filmées.
Il a initié une réforme (ou une révolution) qui n’est pas passée inaperçue (tous les grands medias américains, européens et asiatiques en ont parlé) et dont les retombées, pour l’instant encore modestes, seront sans doute amenées un jour à prendre l’ampleur de celle qui a porté le cinéma du muet au parlant. (m.c.a)

Site officiel du film : www.bubblethefilm.com