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C’é ancora domani (Il reste encore demain)

Paola Cortellesi

Paola Cortellesi, Valerio Mastandrea, Giorgio Colangeli, Romana Maggiora Vergano, Francesco Centorame, Emanuela Fanelli , Vinicio Marchioni

118 min.
20 mars 2024
C'é ancora domani (Il reste encore demain)

Difficile de décrire ce film hors du temps et pourtant si présent ! Je dirais, pour faire court, que c’est un petit joyau, qui, comme une pierre lancée dans la rivière, n’arrête pas de faire des vagues. Imaginez que ce premier film, réalisé par l’actrice Paola Cortellesi a été vu en Italie, depuis sa sortie en octobre 23, par plus de 5 millions de spectateurs-trices.
L’histoire se situe à Rome en 1946, à la veille de la naissance de la République italienne suite aux résultats du referendum institutionnel organisé le 2 juin pour déterminer la forme du gouvernement après la fin de la seconde guerre mondiale.
C’est donc dans une ville marquée par la guerre, dans le quartier populaire du Testaccio que se situe l’histoire de Delia (Paola Cortellesi) et de sa famille. Chronique d’une vie particulière ? non c’est l’histoire banale d’une femme battue, humiliée par un mari ultra violent, Ivano (Valerio Mastandrea), au service de ses trois enfants et d’un beau père tyrannique et grincheux, Ottorino ( Giorgio Colangeli ). Seul espoir pour Delia dont la journée est partagée entre taches ménagères et des petits travaux mal payés : que sa fille Marcella (Romana Maggiora Vergano) puisse s’évader de ce milieu- croit-elle- en épousant Giulio, (Francesco Centorame), un fils de bonne famille.
Le film aurait un intérêt limité s’il se bornait à décrire cette société ultra-patriarcale où les femmes n’avaient pas encore le droit de vote, encore moins le droit de parole, une société où règne la violence domestique, physique ou psychologique faite aux femmes. Car pour la réalisatrice, « ce film est aussi une histoire d’aujourd’hui transposée dans le passé, tant ……. les rapports de couples continuent d’obéir aux mêmes dynamiques, à savoir à une profonde subordination ». Et si cette histoire a rencontré un tel écho, c’est parce qu’elle a été percutée par l’actualité italienne en novembre 2023, quand une étudiante de 22 ans Giulia Cecchet a été tuée par son petit ami. (1)
Pourquoi « C’é ancora domani » ? parce que dans cette Italie d’après guerre, tout est à reconstruire, construire, parce que les femmes qui ont voté à 89,08 % lors du referendum sont un facteur d’évolution, de changement, d’émancipation, de libération dans une société où les violences faites aux femmes sont choses courantes, dans une société où la domination masculine est la loi, ouvertement ou insidieusement : quand Delia demande pourquoi elle n’est pas payée comme son confrère, on lui répond « Parce que tu es une femme ».
J’aimerai le redire : ce film, tourné en noir et blanc, parcouru de références au néoréalisme italien, est un petit bijou, une comédie qui fait grincer des dents, avec des scènes cultes mélangeant drame et humour, avec une « poétisation » des scènes de violence transformées en ballet- sans rien enlever à la démonstration- qui met en lumière « l’absurde banalité de cette violence ».
Le film est plein de rebondissements. Soyez attentifs jusqu’à la dernière minute
(1) L’Italie avait enregistré en 2023 107 meurtres de femmes, dont 88 tuées par des membres de leur famille ou leur ex ou actuel compagnon

France Soubeyran