Drame sentimental
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COSA VOGLIO DI PIU (Ce que je veux de plus)

Silvio Soldini (Italie 2010)

Alba Rohrwacher, Pierfrancesco Favino, Giuseppe Battiston

120 min.
11 août 2010
COSA VOGLIO DI PIU (Ce que je veux de plus)

Il y a des cinéastes dont les points de vue sont éclatés. Et d’autres dont la perspective est concentrée. Quasi monothématique.

Soldini est de cette dernière trempe. Au travers de ses films, la détermination et la cohérence avec lesquelles il traque une idée donne à celle-ci une intensité qui trame, peu à peu, une œuvre.

Œuvre - du moins pour ce qui en a été distribué en Belgique - aisément reconnaissable parce qu’elle a pour cadre de vie des gens simples, issus de la bourgeoisie moyenne, confrontés au plus prosaique des questionnements.

Celui du manque. D’où sourd une insatisfaction à laquelle ils vont tenter de trouver réponse.

Dans « Pane e tulipani », une mère de famille est oubliée par les siens au bord d’une autoroute.

Dans « Giorni e nuvole » une épouse est obligée de redéfinir ses rêves suite au licenciement de son époux.

Dans « Cosa voglio .. » Anna est comptable. Elle vit avec Alessio une relation sans problème mais aussi sans surprise. Le moment d’avoir un enfant est-il arrivé ?

Chacun le sait et Soldini va le développer il n’y a rien de tel que l’apparence de satisfaction pour susciter l’insatisfaction. Et son chapelet de doutes.

Pour répondre à ceux-ci, Anna trouvera un remède. Qui n’a rien d’original sauf de lui permettre de vivre ce qui jusqu’à présent lui a fait défaut : le désir.

Désir pour un homme avec lequel elle va vivre, vraisemblablement parce qu’il est lui-même son double en banalité frustrée, une passion physique dont la gravité s’ancrera dans la découverte qu’ils feront de concert - il arrive que l’adultère ne mette pas seulement en émoi les corps mais aussi les cœurs et les âmes.

Cette histoire se déploie sur deux plans. Celui de la réalité laborieuse de tous les jours dans une grande ville (*) et sa banlieue et celui d’une intimité au sein de laquelle les contraintes et obligations de la vie en société - professionnelle ou conjugale - font place pour un bref moment au plaisir et à la connivence.

Deux plans mais aussi deux difficultés . L’une matérielle parce que l’adultère ne résout pas tout et notamment les problèmes d’argent et de manque de temps. L’autre morale parce que tromper c’est prendre le risque de culpabiliser et de blesser.

La mise en scène par son naturalisme rappelle l’exigence presque documentaire de la nouvelle école de Berlin et parfois même la rigueur sensible des "Folie privée" et "Nue-propriété" de Joachim Lafosse.

Si l’insignifiance de cette histoire ordinaire qui arrive à des gens qui le sont tout autant nous touche c’est essentiellement parce qu’elle est portée par des acteurs qui savent exprimer à fleur de peau les troubles et les émois et porter la sincérité à un rare niveau d’incandescence.

Notamment dans des scènes de corps à corps qui font écho à la beauté crue filmée par Patrice Chéreau dans "Intimacy"

Qu’est-ce que Soldini veut de plus ? Attirer notre attention, avec son habituelle générosité mélancolique, sur le fait que même si le bonheur est impossible sur la longue durée, il ne faut pas refuser d’en capter des éclats.

Entre regrets et remords, il peut exister un compromis. A découvrir par chacun en réfléchissant et en redéfinissant ses attentes et son rôle au sein du couple. (mca) 

 
(*) Milan dont l’architecture en transformation, coincée entre éventrations et chantiers de reconstruction, est un efficace contrepoint à la mutation des personnages principaux.