Qui suis-je ?
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Coup de coeurCOULEUR DE PEAU : MIEL

Jung & Laurent Boileau (Belgique 2012)

en voix off : Jung

75 min.
13 juin 2012
COULEUR DE PEAU : MIEL

E pluribus unum. Enfant adopté, est-ce une vie ?

Est-ce deux vies ? Et dans ce cas comment réconcilier l’avant et l’après qui déracine pour un ailleurs territorial et familial avec lequel les liens d’accrochage affectif et de bonne entente ne sont pas toujours au rendez-vous ?

Est-ce trois vies ? Et alors comment concilier la réalité d’aujourd’hui et les fantasmes d’un passé que l’on ne peut, à défaut de repères et témoignages, qu’imaginer ?

Histoire à la fois personnelle (*) et universelle, « Couleur de peau… » est un écho sensible et sincère aux joies, souffrances, affabulations et questionnements d’un jeune garçon de 6 ans (orphelin ? abandonné ?) qui quitte sa Corée natale pour être implanté, par un effet du hasard qui devient destin, dans une famille belge.

Aimante mais impuissante à apaiser et à répondre au cri venu des entrailles d’un gamin qui grandit en se demandant qui il est.

Quelles sont ses racines ? Quelles sont les causes à tout jamais mystérieuses qui ont tramé son arrivée dans telle famille au détriment de telle autre qui lui aurait peut-être mieux convenu ?

Pour rendre visible ce parcours intime et heurté, pour en faire un film à fleur de peau, la méthode adoptée par les réalisateurs est simple et lumineuse.

Animer, avec un trait au rendu rectiligne (grâce soit rendue à la droite, forme géométrique qui évite les débordements émotionnels) et des couleurs duelles à dominantes ocre et gris-bleu, les dessins de celui qui, dans un roman graphique paru (**) en 2007, s’est raconté

Et souvenu de son passage en orphelinat, de son arrivée dans le Brabant Wallon, de ses années - qui n’ont pas toujours été de miel - que la littérature allemande qualifie de « Bildung » (de formation)

Jung et Boileau ont sous leurs doigts un matériau fragile, celui d’une vie dont on sent, comme si l’on avait en mains un oisillon tombé du nid, les palpitations. Il leur aurait été facile d’en faire un film tragique (***), lyrique, dénonciateur voire obscènement illustratif.

Ils ont choisi, même dans les épisodes les plus sentimentalement périlleux, de privilégier la sobriété, cette forme de classicisme qui rappelle que sincérité, poésie, fantaisie et humour peuvent être jumelés

Cette sobriété qui par sa pudeur étreint les cœurs d’une délicate douleur devant ceux que le vent d’un sort précocement injuste n’a pas épargné.

Je dédie cette chronique à mes deux fils eux aussi confiés à moi par la cigogne « Terre des Hommes ».

Ai-je été à la hauteur des espérances contenues dans le premier regard, curieux, inquiet et quémandeur, qu’ils ont, en mai 1974 et en juin 1975, posé sur moi

"Couleur..." a été récompensé au Festival International du Film d’Animation d’Annecy 2012 par le Prix du Public et le Prix Unicef. (mca)

(*) celle de Jung le scénariste et co-réalisateur du film.

(**) paru aux éditions Quadrants/Soleil

(***) ce qu’est, sur le même sujet, le texte de Cathy Min Jung « Les bonnes intentions » - qui sera mis en scène au Théâtre de Poche du 10 au 24 novembre 2012.