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DEUX JOURS A TUER

Jean Becker (France 2008 - distributeur : Cinéart)

Marie-Josée Croze, Albert Dupontel, Pierre Vaneck

85 min.
9 juillet 2008
DEUX JOURS A TUER

De Jean Becker on aime beaucoup le père Jacques (*), les 39 épisodes du feuilleton « Les saintes chéries » qu’il a mis en scène pour la télévision et ses films « L’été meurtrier », « Les enfants du marais »

Un peu moins « Dialogue avec mon jardinier », "La poison" et pas du tout « Effroyables jardins ».

Quant à « Deux jours à tuer », il suscite des sentiments contradictoires, les meilleurs ne l’emportant pas nécessairement sur les moins bons.

Coincé entre un agacement pour une histoire enflurée, la crispation pour l’interprétation trop performante d’Albert Dupontel et les fugitives émotions suscitées par une lumière irlandaise et la rencontre entre un père et un fils autour d’une partie de pêche à la mouche (**) - prétexte à renouer des liens distendus depuis de longues années - le spectateur se sent insensiblement mais irrémédiablement glisser vers l’indifférence.

Comme si son capital de départ, la sympathie, était rongé par la débordante empathie du réalisateur pour son sujet.

Tout (dialogues en lames de couteau, images trompeuses) est mis en place (calculé ?) pour nous pister dans une direction dont le sens ne devrait surgir qu’en fin de film. Mais ce tout est tellement systématisé et excessif que même sans avoir lu le roman (***) dont s’est inspiré Becker, le regardant devine ce qui meut le personnage d’Antoine.

Cet homme décide de feindre la cruauté envers les siens et de les quitter pour leur cacher une vérité qu’il les croit incapables d’assumer.

Il manque à ces « Deux jours … » la retenue émotionnelle qui aurait apporté au récit une crédibilité et une profondeur dont les absences le plombent d’une impression désagréable de tricherie sentimentale.

La vie est dérisoire, aberrante souvent. Sa perte vaut-elle vraiment la peine des mensonges et des malentendus dans lesquels Antoine décide de s’enferrer ?

Dans « La promesse de l’aube » mis en scène par Jules Dassin, Romain Gary aborde lui aussi le thème de la mort que l’on scelle pour éloigner le chagrin de ceux que l’on aime, mais il le fait avec légèreté et ferveur. Là où Becker joue avec lourdeur et prévisibilité.

Pierre Vaneck par sa présence sereine apporte au film une humanité telle qu’on l’aime. Simple et assumée jusque dans ses erreurs.

Quant à Serge Reggiani, sa voix voilée qui magnifie le texte de cette belle chanson « Le temps qui reste » (****) justifie de ne pas quitter la salle de projection avant le générique final.

Même si « Deux jours à tuer » c’est 85 minutes à tirer … (m.c.a)

(*) "Casque d’or", "Touche pas au grisbi", "Le trou"
(**) Presqu’aussi magiquement filmée que dans le film de Robert Redford « A river runs through it » adapté de l’épatant roman méditatif de Norman MacLean
(***) de François d’Epenoux paru en Livre de Poche
(***) A écouter sur http://www.youtube.com/watch?v=8mQiRFgOiWQ