Réflexion politique
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Coup de coeurDIE WELLE

Dennis Gansel ( Allemagne - distributeur : Paradiso Filmed Entertainement)

Jürgen Vogel, Jennifer Ulrich, Frederick Lau, Max Riemelt, Jacob Matschenz

110 min.
22 octobre 2008
DIE WELLE

En transposant en Allemagne contemporaine le récit décrit dans le livre de Morton Rhue, lui-même inspiré d’une expérience réelle tentée par le professeur d’histoire Ron Jones dans les années 70 à Palo Alto, Dennis Gansel pose un acte fort et décisif.

Cette histoire est celle d’un professeur, qui, forcé de donner un cours sur l’autocratie, décide de s’interroger sur ce phénomène en recréant les conditions d’une dictature au sein de sa classe. Très vite, une communauté se crée, avec uniforme, sigle et salut. Une communauté d’élèves soudés qui placent le groupe avant tout.

De cette cohésion naît un sentiment de force. Les étudiants se sentent protégés et forts dans ce groupe qui est le leur, le professeur est galvanisé par l’attention que lui porte son auditoire.

L’unité fait la force….. Mais l’unité détruit aussi toute distance critique et bien vite, dépasse élèves et professeur. Les repères disparaissent aux profits de la mise en avant de la communauté, quoi qu’il arrive.

Et tout dérape. Parce que, contre toute attente, ce sentiment d’appartenance à une communauté forte rassure tellement les individus qui en font parties qu’ils en perdent de vue le côté totalement pervers et manipulateur. Aveuglés par des structures qui les dépassent, ils se posent volontairement comme les outils du groupe, les petites mains qui agissent sans réfléchir à leurs actes.

Eclate alors l’inacceptable évidence que l’autocratie est un phénomène qui nous guette, peu importe nos origines, peu importe nos conditions de vie.

Traiter du thème de l’autocratie est en soi un exercice complexe. Il l’est d’autant plus quand c’est le fruit d’un auteur dont le pays a été par le passé directement concerné par cette problématique. 

C’est à un réel acte cathartique que se livre ici Dennis Gansel. Par une mise en scène incisive et percutante, il positionne dans l’acte même. Ce n’est pas à une démonstration théorique qu’il se livre, mais bien à une mise en situation. Une mise en condition qui submerge et qui dérange.

C’est peut-être la première fois qu’un cinéaste allemand aborde d’une manière aussi frontale, et surtout aussi contemporaine, la problématique de la dictature. L’Allemagne poursuit ainsi le processus initié par des films tels que « Der Untergang »[1], un parcours de revisitation d’une histoire lourde et difficile à porter. Une histoire qu’il faut tenter autant d’exorciser que de comprendre.

Un passé qui hante encore la nation allemande contemporaine, et qu’il est donc essentiel d’aborder dans des œuvres tels que « Die Welle ». Œuvre de laquelle on ne sort pas indemne.

(Justine Gustin)

 

[1] De Wiliam Shirer, 2000.